La France figure parmi les premiers pays européens à utiliser des animaux à des fins scientifiques.
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Environnement

Recherche : vers la fin des expériences sur les animaux ?

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Alors que l’importance accordée au bien-être animal gagne du terrain, l'utilisation d’animaux à des fins scientifiques soulève de plus en plus de questions éthiques à tel point qu'une nouvelle génération de chercheurs fait aujourd'hui le choix de privilégier des méthodes alternatives. Une évolution des mentalités encore trop timide pour les associations de protection des animaux qui réclament de nouvelles lois pour mettre totalement fin à l’expérimentation animale. 

Plus de 2 millions. C’est le nombre d’animaux utilisés à des fins scientifiques en France en 2022, selon les derniers chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. "Cela englobe les animaux manipulés dans des procédures expérimentales mais aussi les animaux d’élevage qui sont modifiés génétiquement", précise Roland Cash, ancien chercheur en neurosciences et vice-président de l’association Transcience, qui oeuvre pour une recherche scientifique sans animaux. Parmi les animaux les plus fréquemment utilisés, les souris figurent en haut du panier avec 66 % des utilisations, suivies des lapins (9 %), les poissons toutes espèces confondues (9 %) puis les rats (8 %). Depuis plusieurs années, les associations de défense animale dénoncent les souffrances infligées à ces cobayes et revendiquent le développement de méthodes alternatives. Mais où en est-on ?  

Une prise de conscience dans les labos 

Globalement, les mentalités évoluent dans les laboratoires. "Depuis une vingtaine d’années, des chercheurs tentent de trouver des solutions pour réduire l’utilisation des animaux, en s’appuyant notamment sur des travaux menés sur les cultures de cellules humaines. On prend par exemple un morceau de peau, on le met en culture puis on le transforme pour faire proliférer la culture de cellulles", explique Roland Cash. 

Directrice de recherche à l’I-Stem, Alexandra Benchoua fait partie de ces scientifiques qui ont fait le choix d’adopter des techniques non-animales pour leurs recherches. Lauréate du prix de biologie Alfred Kastler 2023 de la Fondation Droit Animal, Ethique et Sciences (LFDA), celle-ci a réussi à obtenir des neurones du cortex à partir d’un prélèvement de peau ou de sang de patients atteints par une maladie neurologique ou psychiatrique. Le résultat de quinze années de recherche.  

J’ai choisi de ne pas utiliser d’animaux avant tout pour des raisons de pertinence scientifique. Dans le cadre de mon travail sur le cerveau humain, l’expérimentation animale n’est pas forcément le meilleur modèle pour adresser des questions à cet organe qui est très différent du cerveau des rongeurs, aujourd’hui utilisés majoritairement pour ce type de recherche”, explique la biologiste.

Elle ajoute : "cette technique permet dans le même temps de remplacer les animaux pour une étape particulière qui est celle de la modélisation de maladies génétiques et la recherche de médicaments pharmacologique. Cela permet de réduire significativement le nombre d’animaux comme le demandent les règles européennes.” 

Que dit la loi ? 

Transposée dans le code rural en 2013, la directive européenne n°2010/63/UE, qui révise la directive n°86/609/CEE du Conseil du 24 novembre 1987, indique que "les pratiques doivent être limitées aux expérimentations strictement nécessaires et prendre en compte le fait que les animaux sont des êtres sensibles, sujets à la douleur et ayant des besoins physiologiques et comportementaux propres à chaque espèce". Par ailleurs, tous les projets ayant recours à des animaux doivent au préalable être évalués par un comité d’éthique chargé de s’assurer de la bonne application du principe des 3 R : "remplacer, réduire et raffiner".  

Avant d’utiliser des animaux, il faut se demander s’il n’existe pas une méthode pour les remplacer. S’il n’y en a pas, il faut avoir recours au minimum de cobayes mais aussi appliquer des méthodes de raffinement, c’est-à-dire bien traiter les animaux pendant le transport, l’élevage et l’expérimentation”, développe Roland Cash. 

Si ces règles ne sont pas respectées, certains travaux peuvent être refusés par le comité d’éthique ce qui met fin aux projets de recherche. "Pour que cela soit le plus objectif et représentatif possible, le comité d’éthique est composé de scientifiques mais aussi de personnes issues de la société civile, comme des citoyens ou des associations. Une fois que le protocole est validé par leur soin, il ne peut plus être modifié par les chercheurs", détaille Alexandra Benchoua. 

De nouvelles mesures législatives à l’étude  

Un cadre réglementaire jugé toutefois insuffisant par les défenseurs des animaux. En France mais aussi en Europe, de plus en plus de voix s’élèvent pour demander de nouvelles lois afin de mieux les protégée. Lancée l'année dernière par les associations GAIA et Animal Rights, l’initiative citoyenne européenne - intitulée "Pour des cosmétiques sans cruauté et une Europe sans expérimentation animale”, réclamait notamment l’élargissement des interdictions existantes en Europe en matière d’expérimentation animale pour les cosmétiques et de commercialisation d’ingrédients testés sur les animaux.  

En réponse à cet appel, qui avait été signé par plus d’un million de citoyens au sein de l’UE, la Commission européenne s’est engagée le 25 juillet 2023 à "proposer un nouvel ensemble de mesures législatives et non législatives visant à réduire encore l’expérimentation animale, dans d’autres secteurs, notamment dans le cadre de la législation sur les produits chimiques (par exemple : REACH, le règlement sur les produits biocides, le règlement sur les produits phytopharmaceutiques et les médicaments à usage humain et vétérinaire)".  

Un petit pas qui ne contraint toutefois pas encore les domaines les plus consommateurs. Selon la LFDA, si la toxicologie réglementaire sacrifie beaucoup de cobayes, la recherche fondamentale reste la plus gourmande. Sur 10,6 millions de procédures en 2019, 45 % ont été menées pour cette discipline, contre 17 % pour les tests de toxicité de médicaments à usage humain, vétérinaires ou de produits chimiques. "La majorité des chercheurs sont encore persuadés que l’on va faire des progrès avec l’utilisation des animaux. Or, on pourrait imaginer une recherche qui se concentre sur les techniques non-animales, cellulaires, et qui a recours à des animaux de manière exceptionnelle. Aujourd’hui, c’est plutôt le raisonnement inverse qui domine", regrette Roland Cash. 

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