Le 29 avril dernier, la Commission européenne s'est prononcée en faveur des new breeding techniques.
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id décrypte

Pourquoi les nouveaux OGM font-ils débat?

Pointés du doigt par les ONG de défense de l'environnement comme leurs prédécesseurs de première génération, les "nouveaux OGM" ont récemment été mis au goût du jour par les pouvoirs publics européens et français, favorables à leur mise sur le marché.

À partir de la fin des années 1990, en France, les organismes génétiquement modifiés (OGM) n’ont cessé d’alimenter le débat public. Transformés par l’intervention de l’Homme, ils ont été mis au point par l’agro-alimentaire dans le but de produire plus et plus efficacement. À cet effet, la modification génétique a pour principal objectif de doter le végétal ou l’animal transformé de propriétés qu’il n’est pas censé posséder naturellement. Dans le cas des végétaux, plus sujets que les bêtes à la modification génétique, deux caractéristiques sont particulièrement intéressantes pour doper les capacités de production : la résistance de l'espèce à un insecticide, ou bien la fabrication d’un insecticide par ce végétal lui-même, la combinaison des deux étant également possible. Les OGM sont ainsi accusés de perpétuer la dépendance des cultures aux produits phytosanitaires, en particulier dans des pays où la législation à leur égard n’est que peu contraignante, comme les États-Unis.

Une controverse héritée des OGM traditionnels

En Europe, une importante controverse s’était donc portée il y a une vingtaine d’années sur ces organismes ayant subi une manipulation génétique. En cause : le manque de recul sur ce procédé nouveau, les effets à long terme de ces fruits et légumes traités aux pesticides une fois dans nos assiettes, ainsi que des pesticides eux-mêmes sur l’environnement. Face à une méfiance importante des ONG et de l’opinion publique, la législation européenne et celle de la plupart des États membres de l’Union européenne (UE) se sont faites plutôt strictes, sur la base de la directive 2001/18/CE qui fixe le cadre légal des OGM en Europe. Seul le maïs MON810 est cultivable dans l’espace communautaire, et l’Espagne et le Portugal sont les seuls États à faire pousser cette variété brevetée par le géant Monsanto.

Cependant, ce sont près de 70 espèces génétiquement modifiées, essentiellement de maïs et de soja, qui restent autorisées à l’importation et la commercialisation dans l’UE, sous contrôle de la Commission. Aussi, les bêtes d’élevage pouvant recevoir une alimentation à base d’OGM, il faut également considérer la consommation indirecte qui en est faite par le biais des denrées d’origine animale (viande, fromage, lait, œufs, etc) importées ou produites sur le Vieux continent.     

C’est cette règlementation européenne, jusqu’ici relativement rigide, qui pourrait s’assouplir au sujet des nouveaux OGM. En effet, dans une étude parue le 29 avril dernier, la Commission européenne se prononce en faveur des new breeding techniques (NBT, ou nouvelles techniques de fécondation). Celles-ci sont aussi mises en avant par les industriels et une partie des pouvoirs publics nationaux comme étant bien plus sûres pour l’environnement et notre santé que leurs prédécesseurs "standard". En janvier dernier, dans une interview à l’agence Agra, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie déclarait ainsi simplement : "Les NBT, ce ne sont pas des OGM". D’un point de vue technique, les deux procédés sont, il est vrai, très différents. Là où les OGM standard étaient produits par transgénèse, c’est-à-dire par introduction dans le génome en question d’un gène étranger, les organismes issus de NBT sont obtenus par mutagénèse, autrement dit simple modification d’un gène existant par l'intervention d'un agent mutagène. 

Les associations vent debout

Pourtant, la décision prise par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) en 2018 paraît sans appel : "Les organismes obtenus par mutagenèse sont des OGM, dans la mesure où les techniques et méthodes de mutagenèse modifient le matériel génétique d’un organisme d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement." Les défenseurs de l’environnement se réfèrent à cette décision pour pointer du doigt la contradiction et l'imprudence que représenterait l'assouplissement de la règlementation.  "Les OGM ont été définis dès le début par la technique utilisée pour leur obtention, et non par le produit final, quelles que soient ses qualités", rappelle Suzanne Dalle, chargée de campagne agriculture chez Greenpeace, qui a fait du combat contre les OGM un des gros dossiers de ces dernières années. Les associations dénoncent ainsi un silence coupable du gouvernement actuel face à l'injonction qui lui avait été donnée par une décision du Conseil d'Etat datant de février  2020. Dans cette dernière, la plus haute juridiction administrative donnait à l'exécutif un délai de six mois pour inclure les techniques de mutagenèse dans la règlementation OGM, délai largement dépassé aujourd'hui.

Comme pour la première génération d’organismes transgéniques, en plus de la problématique environnementale liée à l’usage des pesticides, c’est une question éthique qui sous-tend le recours à ces techniques. "Les entreprises jouent beaucoup aux apprentis sorciers", poursuit Mme Dalle, rappelant que la mutagénèse nécessite elle aussi la manipulation de matériel génétique extérieur à l’organisme, même si elle n’est que temporaire. Selon elle, le principe de précaution devrait donc rester de mise, le risque d’erreur génétique, aux conséquences difficiles à anticiper, n’étant pas négligeable pour ces OGM "nouvelle génération", qui doivent être étiquetés comme tels. 

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