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Environnement

Pour les acteurs de l'eau, il est urgent d'enrayer sa raréfaction à venir

"Agir avant qu'il ne soit trop tard": d'ici 2050, l'eau va manquer si elle n'est pas mieux préservée. Des solutions existent, mais reste à passer à l'acte sans réduire les moyens, plaident les comités de bassin qui gèrent la ressource en France.

Face à une vulnérabilité généralisée des territoires, en proie à la sécheresse comme aux inondations, les responsables de bassins (Seine-Normandie, Loire-Bretagne, Artois-Picardie, Adour-Garonne, Corse, Rhône-Méditerranée, Rhin-Meuse) ont fait un constat d'urgence, jeudi à Lyon, lors d'un colloque national sur l'eau et le changement climatique auquel participaient plusieurs centaines de personnes.

"Nous sommes face au plus grand défi de l'Humanité: agir face au climat qui se dérègle, avant qu'il ne soit trop tard", estime Martial Saddier, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée et député de Haute-Savoie. "Cette année, à Chamonix, nous avons battu deux records: on a eu cet hiver dix mètres d'enneigement cumulé, et cela fait six mois qu'il ne pleut pas."

D'une région à l'autre, les illustrations de la raréfaction de la ressource ne manquent pas.

"Aujourd'hui, nous consommons 2,4 milliards de mètres cubes d'eau par an. La projection, c'est un déficit de 1,2 milliard dans 30 ans, soit la moitié", souligne Martin Malvy, président du bassin Adour-Garonne. Sans compter la croissance démographique: 1,5 million d'habitants en plus à l'horizon 2050 entre Bordeaux et Toulouse.

"On a trop souvent méprisé ces questions-là et on se réveille aujourd'hui un peu douloureusement", juge Thierry Burlot, son homologue pour Loire-Bretagne. "La Terre a une petite fièvre, de celle dont on dit qu'on va s'occuper mais sans le faire, jusqu'au jour où arrivent les complications", abonde l'explorateur Jean-Louis Étienne, médecin de profession, intervenant à ce colloque censé apporter "des solutions" en "une journée".

Coupes budgétaires

Pour s'adapter à la raréfaction de la ressource, tout en essayant de l'atténuer, l'éventail des mesures à prendre est large.

Lutter contre le gaspillage en réparant le réseau de distribution - un litre sur cinq, en moyenne, n'arrive pas au robinet-; réduire l'utilisation d'intrants pour protéger les nappes ; enrayer l'imperméabilisation des sols (64.000 hectares par an, soit l'équivalent du Territoire de Belfort) en prévoyant noues drainantes et parcelles d'infiltration dans les chantiers urbains ; préserver, voire développer les zones humides qui permettent de stocker de l'eau... ce ne sont là que quelques exemples.

Déjà mis en oeuvre, ça et là: entre 2013 et 2017, 25.800 kilomètres de cours d'eau ont été restaurés dans l'Hexagone, dans le but de protéger la ressource et d'absorber les crues. Ces solutions qui s'appuient sur la nature, plutôt que sur la construction d'ouvrages, sont souvent moins coûteuses, relève Patricia Blanc, directrice générale de l'Agence de l'eau Seine-Normandie.

Mais alors que la sécheresse prive déjà certaines communes d'eau potable, l'essentiel reste à faire pour désamorcer les conflits d'usage, entre l'irrigation, le refroidissement des centrales nucléaires ou la fabrication de neige artificielle dans les stations de ski par exemple.

Autre piste: la communication auprès du grand public. "Il faut que chacun de nos concitoyens ait envie d'améliorer le climat", affirme Béatrice Bulou, vice-présidente de l'Eurométropole de Strasbourg chargée de l'eau et de l'assainissement. Mais "pour que le message passe bien auprès d'eux et qu'on puisse travailler en bonne intelligence avec les agences de l'eau (sous tutelle du ministère de l'Environnement, ndlr), il ne faut pas réduire leurs moyens", ajoute-t-elle, alors que les budgets sont en baisse.

"A trop tirer sur la ficelle, je crains qu'on discrédite le message et l'engagement collectif", abonde Claude Gaillard, président du Comité de bassin Rhin-Meuse.

Avec AFP.