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Plastique : gouvernements, entreprises ou investisseurs cherchent à stopper l’épidémie

Si depuis 50 ans le tout-jetable a envahi le quotidien du monde entier, l’heure est désormais à la décroissance pour enrayer la pollution plastique. Gouvernements, entreprises ou secteur financier, tous les acteurs cherchent à arrêter les frais.

Star des années 70, le plastique a atteint son apogée au point de se rendre peu à peu indispensable dans nos quotidiens. Une grande révolution à l’époque mais le contrecoup s’est finalement avéré désastreux, au point que l’on cherche désormais à s’en débarrasser. S’il reste aujourd’hui un matériau de choix pour certains secteurs comme la médecine, les produits du quotidien en plastique à usage unique sont pour leur part hissés au rang d’ennemis publics numéro un. Pour l’Homme d’une part, qui en ingérerait en moyenne 52 000 microparticules chaque année, mais aussi pour l’océan, principal régulateur du climat, qui est le premier à payer les frais de cette invasion. Et avec lui, la biodiversité qu’il abrite. D’ici 2025, les projections d’une étude conjointe du Forum économique mondial et de la fondation Ellen McArthur estiment que l’on y comptera une tonne de déchets plastiques pour trois tonnes de poissons. À ce rythme, ces derniers se trouveront donc minoritaires dans leur habitat naturel d’ici le demi-siècle.

Sans attendre jusque-là, la pollution par le plastique et déjà bel et bien visible : la masse de déchets produits et jetés par l’Homme se retrouve en mer et s’agglutine au gré des courants marins au point de former une “île” que l’on considère aujourd’hui comme le “septième continent”. Entre Hawaï et la Californie, ce “vortex plastique” est estimé à 1,6 million de kilomètres carré - soit trois fois la taille de l’Hexagone. L’urgence est donc immédiate et les délais pour endiguer le phénomène sont serrés. Depuis quelques années, le monde entier s’attache à freiner la production et la consommation de ces produits aux moyens de lois, réglementations, recherches, innovations... Mais c’était sans compter sur la crise sanitaire de 2020 qui a signé un retour en grâce du plastique à usage unique. Avec les mesures de confinements partout sur le globe, les masques chirurgicaux sont devenus incontournables et les produits du quotidien réutilisables ont été boudés au profit de leurs versions jetables pour éviter tout risque de contamination. "À mesure que l’activité reprend (…) que les autorités de réglementation revoient leur programme pré-Covid, il va devenir de plus en plus évident - contrairement aux émissions de carbone - que la pollution plastique dans les océans n’a pas diminué, analyse le gérant d’actifs britannique Schroders. (…) Le Covid-19 devrait donner lieu à une réaction plus forte, et non l’inverse. La crise a mis en évidence la nécessité pour les entreprises de trouver des solutions pas seulement conçues pour dépanner, mais pour durer".

Un léger rétropédalage qui ne devrait être que temporaire à en croire la volonté des instances publiques. La Commission européenne avait d’ailleurs balayé d’un revers de main la demande de report de l'interdiction de certains produits formulées par l’EuPC, lobby du plastique européen. Alors qu’une échéance était fixée pour 2021, la Commission avait estimé qu’il était “encore plus important de poursuivre les efforts globaux de réduction des déchets” dans ces conditions de crise.

Quels cadres réglementaires pour sortir du plastique ?

En effet, le Parlement a entériné dès 2019 l’interdiction de mise sur le marché européen de plusieurs produits à compter de cette année. La question de l’élimination de certains déchets évitables a d’ailleurs été mise en avant dans les termes du Pacte vert de l’Union, porté par Ursula Von Der Leyen. La suppression des touillettes, couverts jetables, pailles ou encore des sachets de thé et tisane en plastique non-biodégradable est donc aujourd’hui amorcée.

Autour du monde, les autorités serrent la vis dans le même sens. L’ODD numéro 14 de l’Organisation des Nations Unies (ONU) vise notamment à “conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines”, recouvrant ainsi des enjeux aussi divers que la gestion mondiale des stocks de poissons ou la réduction des déchets marins... 

Au mois de mars dernier, l’Assemblée pour l’environnement de l’ONU (ANUE), réunie à Nairobi, a lancé la création d’un "comité intergouvernemental de négociation" dont l’objectif principal est d’élaborer un texte "juridiquement contraignant" d’ici 2024. En 2017 déjà, quelque 200 pays avaient signé une résolution en ce sens lors d’une Assemblée des Nation Unies réunie à Nairobi. L’année suivante, la pollution plastique des océans était également au cœur des discussions du sommet du G7 et cinq Etats ont alors adopté une charte visant entre autres à recycler et réutiliser 55 % des emballages plastiques d’ici 2030. Selon un rapport du PNUE paru en 2018, les taxes sur les plastiques non-réutilisables se multiplient dans de nombreux pays et 52 d’entre eux les ont interdits de manière plus ou moins directe.

À l’image de la France et de sa loi sur l’économie circulaire. Adoptée en février 2020, celle-ci doit entrer progressivement en application d’ici 2040. Dans le sillage des restrictions imposées par l’Union européenne, les produits en plastique oxodégradable, les emballages de certains fruits et légumes de moins d’1,5 kg, les sachets de thé et tisane non biodégradable ont par exemple disparu des rayons de supermarchés depuis janvier dernier... Une étape qui s’inscrit également dans la stratégie des “3R” mise en place par le gouvernement pour la Réduction, le Réemploi et le Recyclage des emballages en plastique à usage unique. Parmi les objectifs édictés sur la période 2020-2025, ceux-ci devront être réduits de 20 %, et recyclés à 100 %.

Tous les acteurs concernés

Tous ces cadres réglementaires représentent donc un certain nombre de contraintes pour les entreprises, mais aussi d’opportunités à condition d’accepter ce virage. “Le renforcement de la réglementation aura des conséquences pour les entreprises sur l’ensemble de la chaîne. La transition pourrait représenter une menace en raison de l’augmentation des coûts (…). (Elles) disposent par ailleurs d’opportunités pour développer des solutions innovantes”, prédit Schroders.

Ces changements structurels nécessitent ainsi des investissements massifs et les obligent à trouver des solutions alternatives : repenser les packagings, améliorer le recyclage... En mars 2020, une quarantaine de sociétés a signé, aux côtés de 14 pays européens, un pacte visant entre autres à atteindre le 100 % recyclable pour leurs emballages d’ici 2025. Nestlé, Unilever, Schneider Electric ou encore Carrefour y ont par exemple pris part. Même engagement outre-Manche avec deux ans d’avance : le “UK Plastics Pact” a été conclu en 2018 par 40 entreprises britanniques s’engageant dans des objectifs similaires. Parmi les signataires, Marks & Spencer, Tesco ou même Coca-Cola.

Le secteur financier emboîte le pas et les acteurs publics ou privés abondent en ce sens. En 2018, Norges Bank Investment Management, fort de quelque 1000 milliards d’euros d’actifs sous gestion (le plus important fonds souverain du monde), a invité les entreprises à s’engager davantage dans la lutte contre la pollution plastique. “Le business model de nombre de sociétés de notre portefeuille dépend des océans. (…) Cela pourrait réduire leur capacité à générer de la valeur pour les investisseurs à long terme”, estimait alors le patron du fonds Yngve Slyngstad, par communiqué. La même année, le groupe allemand KfW, la Banque européenne d’investissement (BEI) et l’Agence française de développement (AFD) ont également annoncé injecter 2 milliards d’euros dans des projets visant à réduire les déchets marins. Et ce, “dans l’optique d’attirer les investissements du secteur privé”, selon l’AFD.

De ce côté, l’engagement est aussi un levier d’action : “Depuis 2018, l’équipe d’investissement durable échange régulièrement avec de nombreuses entreprises par le biais de questionnaires, d’appels et de réunions pour comprendre les risques et les opportunités auxquels elles sont confrontées en lien avec le problème du plastique”, cite notamment Schroders. À titre d’exemple, le gérant encourage actuellement PepsiCo dans sa démarche de promotion des systèmes de recyclage du plastique dans le monde entier, et aux Etats-Unis en particulier, où l’effort doit être particulièrement intensifié. PepsiCo s’est en effet fixé un objectif de zéro émission nette d'ici 2040 qui dépendra grandement d’une étape intermédiaire : réduire de 20 % le tonnage absolu de plastique vierge provenant de sources non renouvelables dans ses emballages, en utilisant notamment 50 % de plastique recyclé d'ici 2030. Or, en 2021, le géant américain n'avait que 6 % de plastique recyclé dans ses emballages au niveau mondial (19 % en Europe, 8 % en Amérique du Nord). L’enjeu, crucial, nécessite donc le soutien de tous.

En 2018, à l’initiative de l’ONG américaine As You Sow, une coalition internationale de 25 investisseurs s’est ainsi formée autour de la “Plastic solutions investor alliance”. Regroupant en tout 1000 milliards de dollars d’actifs sous gestion, ils ont cosigné une déclaration exhortant les entreprises cotées en bourse à prendre en compte le risque posé par les déchets plastiques. “Nous croyons que notre communauté d’investisseurs socialement et écologiquement concernés peut avoir un impact positif grâce à des relations de longue date avec de nombreuses entreprises”, estimaient alors les signataires.

En partenariat avec Schroders. 

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