Situé à presque 3 200 mètres d'altitude sur la "voie royale" conduisant au toit de l'Europe, il ne mesure que quelques centaines de mètres pour 65 mètres d'épaisseur et fait donc plutôt pâle figure par rapport aux majestueux géants de la vallée de Chamonix comme la Mer de Glace ou Argentière.
Mais Tête Rousse, à l'instar du Taconnaz voisin, fait partie de la "petite poignée" de glaciers considérés comme potentiellement dangereux pour les populations installées en aval, selon le spécialiste Christian Vincent.
La France compte quelque 550 glaciers (pour environ 200 000 à l'échelle mondiale) dont certains sont "amenés à disparaître ou à s'effondrer" en raison du réchauffement climatique.
Ce n'est pas le cas pour l'instant de Tête Rousse, qui, "paradoxalement", serait à l'inverse en train de "se refroidir". Contrairement à d'autres, il n'a même guère perdu en épaisseur ces dernières années, souligne M. Vincent, désignant l'étendue neigeuse où des équipes spécialisées s'activent autour d'engins de forage et de pompes.
Tous deux glaciologues auprès de l'Institut des géosciences de l'environnement (IGE) à Grenoble, Christian Vincent et Olivier Gagliardini sont venus en ce chaud après-midi de juillet superviser l'enfouissement de capteurs de température dans la glace.
Le processus n'est pas aisé à cette altitude où les appareils peuvent subir la foudre ou des éboulements, souligne M. Gagliardini. Le glacier, qui n'est accessible qu'à pied ou par hélicoptère, est proche du tristement célèbre couloir du Goûter, surnommé "couloir de la mort" pour ses nombreuses victimes de chutes de pierres.
Glaciers "froids" ou "tempérés"
Si les glaciers de Taconnaz et de Tête Rousse ont en commun de potentiellement menacer la vallée, ils représentent pourtant deux cas de figure complètement différents : "Taconnaz se réchauffe et celui-ci se refroidit, ça paraît complètement contradictoire et pourtant l'origine est la même, c'est le réchauffement de l'atmosphère", souligne Christian Vincent.
Le premier est un glacier froid (à moins de zéro degré) suspendu, qui a vu sa température augmenter et qui risque donc d'être à terme déstabilisé et de provoquer des avalanches de glace.
Le cas de Tête Rousse, glacier à la fois tempéré (à zéro degré) dans sa partie haute, et froid dans sa partie basse, est plus complexe et s'explique par des "processus thermodynamiques" liés à son écoulement très lent en raison de sa pente douce et de sa forme en "verrou".
Si les modélisations se confirment, il pourrait à terme "devenir complètement froid", auquel cas scientifiques et pouvoirs publics pourraient relâcher un peu leur surveillance, constante depuis que l'alerte a été donnée en 2010.
Le glacier de Tête Rousse surplombe directement la commune de Saint-Gervais-les-Bains, quelque 2 000 mètres plus bas, notamment la zone du Fayet où se situent les thermes de la ville.
C'est là qu'une avalanche de liquide et de débris rocheux provoquée par la rupture d'une grande poche d'eau dans le glacier a tout détruit sur son passage en 1892, tuant environ 200 personnes.
Une catastrophe similaire a été évitée de justesse en 2010 lorsqu'une nouvelle poche d'eau de quelque 55.000 mètres cubes a été détectée au sein de Tête Rousse. Sous pression, elle menaçait cette fois quelque 3.000 personnes en contrebas.
Les pouvoirs publics, alertés par les scientifiques, ont organisé un pompage en urgence. Mais la nappe s'est reformée l'année suivante, puis en 2012, entraînant de nouvelles et coûteuses vidanges.
Aujourd'hui, le danger est moins prégnant mais le glacier, bardé de piézomètres pour mesurer la pression, scruté au radar et par résonance magnétique des protons, reste sous haute surveillance, d'autant qu'une autre cavité a été repérée dans sa partie haute.
Enseignements pour l'Antarctique
"Les glaciers constituent un indicateur naturel du climat extrêmement précieux, facile à mesurer et très visible pour l'opinion publique", relève M. Vincent.
Pour autant, il faut éviter les "raccourcis" et tout mettre sur le compte du réchauffement climatique, souligne-t-il, rappelant que les chutes de séracs (blocs de glace) font par exemple partie du "fonctionnement normal" d'un glacier.
Les étudier permet aussi de comprendre les processus de déformation de la glace et de "dérapage" des glaciers sur leur lit, fournissant de précieux enseignements sur ce qui pourrait se passer à l'avenir en Antarctique.
"Il y a là un enjeu phénoménal puisque ça conditionne l'élévation du niveau des mers dans le futur", explique le glaciologue.
Avec AFP.
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