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Environnement

"L'intelligence" des arbres décryptée par les chercheurs

Ils perçoivent la gravité, le vent et leur position qu'ils peuvent corriger : les arbres possèdent une forme d'"intelligence" qui fascine scientifiques et grand public.

Dans les locaux de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Clermont-Ferrand, l'installation a des airs de décor de cinéma pour film de science-fiction. Dans une sphère de lumière blanche aveuglante, alimentée par plus de quatre-vingt-dix néons, le chercheur Bruno Moulia installe une jonquille inclinée à l'horizontale, maintenue au milieu par un arceau métallique.

Une fois cette boule de lumière refermée, à l'abri de toute autre lumière extérieure dans une structure octogonale digne d'un vaisseau spatial, la plante - partageant le même comportement que l'arbre - va opérer une drôle de chorégraphie. "Baignant de toute part dans cette lumière, elle ne peut pas l'utiliser pour savoir où est le haut, où est le bas. Pourtant, elle va complètement se redresser vers le haut. Elle perçoit la gravité", explique le directeur de l'Unité de recherche sur la Physique et physiologie intégratives de l'arbre en environnement fluctuant (PIAF).

Pourtant, si les plantes et donc les arbres poussent droit, ce n'est pas uniquement grâce à l'attraction terrestre. Avec son équipe, Bruno Moulia a fait la découverte d'un autre sens, que l'on croyait pourtant réservé à l'homme : la proprioception ou autrement dit la perception de la configuration de son propre corps dans l'espace.

Dans une autre expérience, les scientifiques auvergnats ont positionné à l'horizontale des arabettes des dames - une modeste plante servant d'organisme modèle en biologie - avant de les faire tourner sur elles-mêmes pour les empêcher de s'orienter par rapport à la gravité.

Résultat : le petit végétal va continuer de pousser de manière rectiligne, sans chercher à se redresser. "L'arbre perçoit s'il est bien rectiligne ou courbé et a la capacité de se rectifier et de contrôler son équilibre", précise l'agronome-physicien. Chose encore plus inattendue, l'arbre possède le sens du toucher. En soumettant des plantes à des "impulsions d'air", les chercheurs clermontois se sont aperçus que celles-ci savent très bien percevoir le vent et son intensité.

"Un arbre qui va se trouver confronté à un vent inhabituel va réduire sa croissance en hauteur et augmenter sa croissance en diamètre et faire plus de racines", résume Bruno Moulia. Grâce à des électrodes placées sur la tige de jeunes peupliers, ils ont aussi enregistré des réactions électriques, similaires à l'"influx nerveux" chez l'homme, lorsque ceux-ci ont été fléchis par le vent. Des informations que ce végétal enregistre dans sa "mémoire", pouvant varier "d'une semaine à un an".

L'arbre serait-il donc intelligent ? L'épineuse question interroge la communauté scientifique. "Les arbres combinent beaucoup d'informations. C'est plus complexe que de simples réflexes mais est-ce pour autant de l''intelligence' ?", questionne le scientifique.

D'autres études démontrent encore les arbres sont capables de percevoir des sons et des odeurs, de distinguer leurs voisins et communiquer avec eux, grâce à une série de capteurs. Pour percer le mystère et appréhender s'il existe chez les plantes une "intelligence sans cerveau" et éviter tout "anthropocentrisme", l'Inra collabore désormais avec des spécialistes de l'intelligence artificielle.

Hurluberlus 

Car depuis peu, la thématique a trouvé un nouvel écho au sein de la communauté scientifique, longtemps sceptique. "Au début on nous prenait pour des hurluberlus. Aujourd'hui, on sent une effet générationnel. Nos étudiants, ça les botte!", sourit encore Bruno Moulia, qui pointe aussi "l'effet Avatar", fable écologiste réalisée par James Cameron.

L'intérêt du grand public se fait aussi sentir auprès du grand public. La preuve avec le succès du livre du garde forestier allemand Peter Wohlleben La vie secrète des arbres, traduit en plus de 40 langues et vendu à plus d'un million d'exemplaires en France.

Une prise de conscience de la sensibilité du végétal qui pourrait faire évoluer des croyances bien ancrées. "Nos recherches font tomber le mur que notre civilisation occidentale avait dressé depuis Aristote entre animaux, sensibles et capables de mouvement actifs, et les plantes seulement capables de... végéter" souligne Bruno Moulia.

"Les plantes sont des êtres pleins de tact, bougeant tout le temps, mais à leur rythme, plus calme que le nôtre".

Avec AFP.

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