Soutenu par les autorités et les acteurs économiques au nom du développement du fret ferroviaire, contesté par les militants écologistes qui pointent du doigt son impact sur les Alpes et son coût "pharaonique", le projet a été doté de 700 millions d'euros pour le tunnel en cours de creusement sous le Mont-Cenis et son raccordement aux voies à Saint-Jean-de Maurienne (France) et Suse (Italie), encore à construire.
Le tunnel ferroviaire représentera au total 164 km de galeries (au double tronçon de 57,5 km s'ajoutent voies de services et de communication). A ce jour, 37 km ont déjà été creusés, dont 13,5 km pour le tunnel de base, selon la compagnie publique franco-italienne Telt qui prévoit une mise en service en 2032.
Bruxelles a aussi débloqué mercredi 64,57 millions d'euros pour le cofinancement des études de tracé des voies que la France doit encore lancer pour relier Lyon au tunnel. Cette subvention s'inscrit dans un programme d'investissement "record" de 7 milliards d'euros dédié aux infrastructures de transports durables, selon un communiqué de la Commission européenne.
Ce cofinancement d'études marque "un pas dans la bonne direction", a fait valoir un porte-parole de la Commission. La subvention de 700 millions "en fait le plus grand investissement européen concernant la France et l'Italie" et "assure la couverture financière nécessaire à la poursuite des travaux", a souligné Telt dans un communiqué.
En constante augmentation depuis son lancement, le coût du Lyon-Turin a été évalué à plus de 26 milliards d'euros en 2012 par la Cour des comptes française - aucun chiffrage global n'ayant été communiqué depuis.
La France "en retard"
Le coût du seul tunnel transfrontalier a été réévalué de 5,2 à 9,6 milliards d'euros, soit 85% de hausse depuis le lancement du projet, selon un rapport de la Cour des comptes européenne. La construction des 150 km de voies côté français représente un investissement de 10 à 15 milliards d'euros, selon différentes estimations officielles, avec une participation européenne à définir et une date de livraison à déterminer.
"La France est en retard", déplorait début juillet le comité de lobbying de la Transalpine qui fédère les acteurs publics et économiques favorables au projet. Aujourd'hui, "le projet reprend de l'élan" grâce l'Europe qui, avec ses nouveaux financements, "confirme l'importance stratégique de la liaison dans son ensemble", a commenté le comité mercredi.
Selon ses partisans, la ligne grande vitesse Lyon-Turin permettra d'augmenter le fret ferroviaire à travers les Alpes, de réduire le nombre de camions et la pollution engendrée par le trafic routier.
Ses opposants dénoncent un projet "pharaonique" et "néfaste" pour l'environnement et les ressources en eau. En juin 2023, des milliers de manifestants des Soulèvements de la Terre s'étaient rassemblés en vallée de Maurienne contre le chantier, rejoints par des militants du mouvement italien No-Tav, historiquement opposé au projet.
De nombreux élus écologistes, comme les maires de Lyon et Grenoble, plaident pour moderniser la ligne historique qui serpente dans les Alpes, selon eux sous-exploitée et suffisante pour absorber le trafic de fret actuel.
Le scénario "le plus coûteux"
Mais pour la Transalpine, le tracé "le plus favorable au fret ferroviaire" est le "Scénario de 'grand gabarit'" qui prévoit de percer cinq tunnels supplémentaires à travers différentes montagnes, d'une longueur cumulée de 65 km.
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En octobre 2022, le ministre des Transports Clément Beaune avait souhaité qu'il y ait "en face de cette ambition ferroviaire une ambition budgétaire, car ce scénario est "le plus coûteux". "Il faut que chacun dise ce qu'il est prêt à mettre concrètement sur la table", avait-il dit devant le Sénat lors d'une séance de questions au gouvernement. La question du tracé doit encore être tranchée "au plus haut niveau", selon une source proche du dossier.
La répartition des investissements à prévoir pour les seules études de tracé (environ 100 millions d'euros) a suscité de longues et épineuses discussions entre l'État et les collectivités locales, jusqu'à la veille de la clôture des demandes de subvention à Bruxelles, en janvier.
Avec AFP.