Depuis le 1er janvier, les maires peuvent contrôler la conformité de la publicité extérieure.
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Environnement

Les publicités peuvent continuer à vanter une "neutralité carbone" malgré les critiques

"Neutre en carbone", "zéro carbone"... Ces promesses publicitaires de produits sont plus strictement encadrées depuis le début de l'année en France, une mesure destinée à faire le ménage dans des allégations pas toujours étayées mais qui ne va pas assez loin, selon certains critiques.

"Empreinte carbone nulle", "climatiquement neutre", "intégralement compensé", "100% compensé": autant d'affirmations qui doivent désormais obéir à un cahier des charges précis.

Ces promesses de neutralité sont devenues courantes pour vanter les vertus d'une eau minérale "volcanique" en bouteille plastique, d'une livraison de colis ou même d'un voyage en avion en France.

Mais ces allégations reposent souvent massivement sur la compensation carbone : cela consiste, pour les entreprises, à financer par exemple la plantation de millions d'arbres ou des projets d'énergie renouvelable, qui "compenseront" ou absorberont dans les années ou les décennies suivantes des quantités de CO2 équivalentes à ce qu'elles rejettent. Le recours à ces mécanismes, peu ou mal vérifiés, est sévèrement critiqué par les experts de l'ONU.

Les nouvelles exigences sont définies dans un décret publié en avril dernier et entré en vigueur le 1er janvier, en application de la loi "climat et résilience" de 2021.

Le but : "garantir une information complète du public" et permettre "de renforcer progressivement les engagements des annonceurs tout en luttant contre "l'éco-blanchiment", ou "greenwashing", selon le gouvernement.

Mais cet encadrement laisse trop de marge aux entreprises, selon certaines ONG. "Ce type d'allégation devrait simplement être interdit", tranche Anne Bringault, du Réseau Action Climat (RAC). "Il fallait interdire et pas réglementer", abonde Stéphen Kerckhove, directeur général d'Agir pour l'Environnement.

Quels contrôles ? 

L'annonceur est désormais obligé de produire et de mettre à jour tous les ans "un bilan des émissions de gaz à effet de serre du produit ou service concerné couvrant l'ensemble de son cycle de vie". C'est-à-dire qu'il doit couvrir l'amont de sa production jusqu'à l'élimination ou le recyclage du produit.

Il doit expliquer comment les émissions de gaz à effet de serre seront "prioritairement évitées, puis réduites et enfin compensées", avec une compensation mieux encadrée.

Enfin, la publicité ou l'emballage portant l'allégation de neutralité carbone doit pointer vers un site internet détaillant le plan climat.

"Cette réglementation va dans le bon sens" mais "il faut voir quels sont les contrôles mis en place", juge Lucile Buisson, à l'UFC Que Choisir.

"Cela revient à la DGCCRF (Répression des fraudes) mais on voit que sur d'autres indices environnementaux, comme l'indice de réparabilité, ils n'ont pas forcément les moyens de contrôler. Et on est sur un contrôle de documents très précis et à partir de données qui sont déclaratives, très difficiles à vérifier", avance-t-elle.

Les experts de l'Ademe, l'agence publique de la transition écologique, avaient eux-mêmes rendu un avis très critique sur l'emploi "problématique" des allégations de neutralité.

"Vue de l'esprit"

"Il induit par définition le public en erreur, il repose sur le concept de compensation qui recouvre des réalités différentes, il empêche de repérer les acteurs qui s'engagent réellement, il contribue à la défiance des publics envers les discours des organisations...", résumaient-ils.

Des critiques reprises par les ONG, pour lesquelles les allégations publicitaires risquent de bercer les consommateurs d'illusions sur leur impact réel.

"A l'instant où un producteur use de la publicité, c'est pour vendre un produit. Réussir à le faire passer pour neutre en carbone est une vue de l'esprit : toute consommation va induire de l'émission de carbone", relève Stéphen Kerckhove.

Le recours massif à la compensation est particulièrement critiqué. Elle "peut avoir des impacts sur les droits humains parce qu'on va potentiellement acheter des terres où habitaient des populations, on va peut-être faire des plantations d'arbres qui poussent de manière rapide et ne sont pas forcément des sanctuaires de biodiversité, ces arbres peuvent eux-mêmes être sujets à des incendies...", énumère Anne Bringault.

L'Ademe appelle pour sa part les entreprises à sortir de la logique "purement arithmétique" de la neutralité pour concentrer leur message sur des informations plus précises, par exemple la diminution de l'empreinte carbone associée à un produit sur trois ans.

Avec AFP.

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