Couverture du livre La contamination du monde, de Thomas Leroux et François Jarrige
Le Seuil
Environnement

La contamination du monde : l'histoire de la pollution, contre histoire de l'industrialisation

Envie de comprendre la nature des pollutions et leur histoire ? De vous plonger dans un phénomène historique et intrinsèquement lié à notre humanité ? 

On m'a prêté ce livre il y a dix jours. C'est un pavé publié en fin d'année dernière au Seuil et, si le sujet est passionnant, je ne pensais pas qu'il m'accaparerait ainsi. Les auteurs, Thomas Leroux et François Jarrige, sont historiens et spécialistes des questions de pollution, qu'ils enseignent à Paris et en Bourgogne. Leur constat ? Simple : il n'existait pas, avant leur ouvrage, de synthèse historique de l'histoire des pollutions. "C'est un objet de recherche à part entière : faire une synthèse globale, avec un souci pédagogique, ça donne naissance à un petit pavé, certes, mais en même temps il est très général" relève François Jarrige.

Les différentes sources de pollution

Leur travail, étayé par de nombreuses recherches, offre un récit singulier de la dégradation de notre éco-système qui, bien souvent, est vu comme un problème localisé - ou contextualisé. "Synthétiser dans un ouvrage l’évolution des différentes sources de pollution n'avait jamais été fait", reconnaît François Jarrige, alors que l’ouvrage est en cours de traduction aux Etats-Unis - preuve de la nécessité d’avoir un tel ouvrage aussi dans le monde anglo-saxon.

On comprend, en parcourant les différentes parties, que le sujet est aussi technique que politique. Sans le développement de l'énergie hydraulique par exemple, pas d'installation de tanneries ou autres teintureries qui, au fil du temps, ont pollué les cours d'eau... L'usage de biomasse, issue du bois, et de charbon auront aussi des conséquences sur la qualité de l'air, et sur la biodiversité - déforestation oblige. Mais là où, historiquement, ces pollutions étaient localisées, l'industrialisation du monde a progressivement uniformisé et massifié les pratiques.

Une société polluante

"Une société fort consumériste, fort matérialiste, est une société très polluante" souligne à ce stade François Jarrige.  Avec cette contre-histoire du développement industriel, les deux auteurs nous forcent à réfléchir à la notion de progrès qui, souvent, a favorisé le développement technique au détriment de la santé publique. Leur regard historique met à jour différents "régimes de production de pollution" et insiste ainsi sur la dimension fort politique du sujet.

Une société fort consumériste, fort matérialiste, est une société très polluante."

Quel enjeu retiennent-ils aujourd'hui, après ce travail de documentation et de synthèse ? "L’histoire des pollutions s’apparente à une lutte constante pour faire reconnaître des nuisances que certains, souvent les responsables, s’attachent à dissimuler" note François Jarrige. En ce sens, les artistes dont les oeuvres dénoncent les pollutions (tels les travaux de l'artiste Chris Jordan) ou la notion de sixième continent, dont se sont emparés ONG et chercheurs, ont permis ces dernières années de sensibiliser le public et rendre visibles les impacts des déchets plastique. "A chaque époque sa représentation culturelle; des peintres impressionnistes aux Barbapapa, tout prouve que notre culture intègre et s'accommode de ces pollutions..." constate encore François Jarrige, notant tout de même que le paradigme sociétal semble changer ces dernières années...

Bref, contaminez-vous avec cette instructive lecture !