La nappe qui alimente les robinets de Hyères-les-Palmiers, fragilisée chaque été par les nombreux touristes et les sécheresses, est menacée par les intrusions des eaux salées de la Méditerranée.
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Environnement

Face aux touristes et au changement climatique, l'eau douce de Hyères dans un bras de fer avec la mer

La nappe qui alimente les robinets de Hyères-les-Palmiers, fragilisée chaque été par les nombreux touristes et les sécheresses, est menacée par les intrusions des eaux salées de la Méditerranée. Pour que l'eau reste potable, la nappe est désormais "réalimentée" en eau douce chaque hiver.

La population de cette station balnéaire du sud de la France "est multipliée par quatre l'été", faisant presque doubler la consommation d'eau, à 25.000 mètres cube par jour, explique Aurélien Aussibal, responsable pour Suez du projet Aqua Renova de "réalimentation de nappe".

Ce surcroît de consommation, combiné à la sécheresse estivale, menace d'abaisser le niveau de la nappe phréatique sous le niveau de la Méditerranée. Au risque de favoriser la progression de l'eau de mer dans la nappe et d'entraîner une salinisation la rendant impropre à la consommation.

Le changement climatique accentuera encore la menace: selon le Giec, le groupe d'experts mandaté par l'ONU sur le climat, le niveau moyen des mers pourrait augmenter de 38 voire 77 centimètres à horizon 2100 par rapport à la période 1995-2014, selon les scénarios.

A Hyères, à quatre kilomètres de la côte sur une étendue sablonneuse, de l'eau pompée dans le fleuve Roubaud, acheminée par une canalisation, ressort à la manière d'une petite fontaine et percole gentiment dans un "bassin" filtrant, créé par les équipes de Suez pour augmenter l'alimentation de la nappe du Gapeau.

Il a fallu pour cela creuser un sol imperméable, une couche d'argile de plus de trois mètres de profondeur, et la remplacer "par des matériaux de carrière très calibrés, parce qu'il ne faut pas qu'ils se diluent dans l'eau", explique Cyrille Charbonnier, chef de marché pour Suez Eau France.

Tout en bas de ce filtre, "une couche de gros cailloux, au-dessus, du gravier, et encore au-dessus, on a du sable, qui a un effet de filtration", décrit-il. Par gravité, l'eau s'infiltre dans le sol, créant un dôme d'eau douce qui "forme une barrière hydraulique, pour limiter l'intrusion saline", explique Aurélien Aussibal.

L'eau pompée en hiver

L'eau qui aboutit à ce bassin est pompée de novembre à avril dans le fleuve Roubaud, au moment où elle est plus abondante, "en respectant un débit minimal biologique pour les espèces", explique Cyrille Charbonnier.

En tout, 600.000 à 650.000 mètres cube d'eau sont prélevés chaque hiver. Le procédé a été proposé en 2011 par le groupe Suez après des prélèvement en 2009-2010 effectués "de manière pas très raisonnée" et ayant conduit à plusieurs intrusions d'eau salée, rendant de fait non potable une partie de l'eau, selon Aurélien Aussibal.

Sans la mise en place de ce procédé, la ville "aurait dépendu complètement" d'apports extérieurs, selon Cyrille Charbonnier. Outre des considérations d'autonomie, cela se serait traduit par "une augmentation forte du prix de l'eau", compte tenu du coût d'acheminement. La ville, un temps dépendante à 50% de l'extérieur, a retrouvé "une autonomie de 90%", selon la métropole de Toulon, dont elle dépend.

Ce type de solution, "c'est un moindre mal" par rapport, par exemple, à des usines de dessalement d'eau de mer déployées dans l'hémisphère sud, selon Charlène Descollonges, hydrologue indépendante: ces usines utilisent beaucoup d'énergie et induisent des rejets extrêmement concentrés en sel dans l'environnement qui provoquent "une déstabilisation de l'écosystème marin".

Pour autant, souligne-t-elle, cette technique n'est pas sans risque sur la qualité de l'eau, car les cours d'eau en surface sont plus vulnérables à la pollution et donc susceptibles de contaminer les nappes.

La nappe du Genevois, qui participe à l'alimentation en eau de la deuxième ville de Suisse, et également "rechargée" par un cours d'eau, a ainsi subi un épisode de pollution aux perchlorates, relève Charlène Descollonges.

Suez assure que les contrôles permettent de limiter les risques, entre les "contrôles permanents" effectués durant la période de recharge sur 12 paramètres de la qualité de l'eau prélevée (pH, température, conductivité, turbidité, UV, RedOx, O2, ammonium, nitrates, potassium, chlorures, hydrocarbures) et deux analyses exhaustives de la qualité physico-chimique de l'eau de la nappe réalisées au début et à la fin de la période de recharge.

Avec AFP.