Ces fabricants de yaourts, saucisses ou légumes surgelés redoutent de se voir couper le robinet, ce qui menacerait leur activité très dépendante de l'eau, notamment pour laver les ingrédients et les installations.
"On s'attend à des contraintes plus drastiques", explique à l'AFP Christophe Lapasin, secrétaire général de l'association Célene, qui travaille sur les sujets environnementaux au service des industriels de la viande.
"On va faire des efforts pour réduire" la consommation (équipements plus économes, traque des fuites...), "mais il nous faudra recycler l'eau" pour en prélever moins dans le milieu naturel, poursuit-il.
"Un combat"
Pour le géant breton du porc Cooperl, c'est un "combat". L'entreprise souhaite en particulier réutiliser l'eau traitée dans ses stations d'épuration pour rincer les boyaux, une opération "qui consomme beaucoup d'eau", précise à l'AFP son responsable des relations extérieures, Bertrand Convers.
A Lamballe (Côtes-d'Armor), le groupe abat plus de 48 000 porcs par semaine, soit 11% de la production française. Il faut nettoyer les bétaillères, rincer les chaînes d'abattage, vider les viscères... ce qui représente "entre 150 et 200 litres d'eau par animal traité".
Toute cette eau chargée en déjections, sang et bactéries part vers une station d'épuration pour laquelle l'administration a imposé "le niveau d'exigence le plus élevé".
En ressort une eau déminéralisée, "parfaitement pure", "de qualité équivalente voire supérieure à l'eau du robinet", assure M. Convers.
Actuellement, elle ne peut être réutilisée qu'à l'écart de la chaîne de production (lavage de véhicules, injection dans les circuits de refroidissement). Un décret doit permettre d'élargir les possibilités.
11 % de réutilisation dans le monde
Après la sécheresse de 2022 et son cortège de restrictions, le plan eau présenté en mars par le gouvernement prévoit de lever dès cette année "les freins règlementaires à la valorisation des eaux non conventionnelles". Mais la publication du décret se fait attendre.
Interrogé par l'AFP, le ministère de l'Agriculture indique que la réutilisation de l'eau en agroalimentaire sera soumise à une déclaration en préfecture ou devra être autorisée par le préfet. Les eaux recyclées ne pourront pas servir d'ingrédient (dans la bière ou une sauce, par exemple).
"Ce sera de la responsabilité des industriels de s'assurer que l'eau qu'ils vont réutiliser est de qualité équivalente à une eau potable", souligne-t-on au ministère.
Selon le Programme des Nations unies pour l'environnement, "seulement 11 %" des eaux usées domestiques et industrielles sont intentionnellement réutilisées à l'échelle de la planète.
Avec de grandes variations : moins de 1 % en France, d'après le centre d'études sur l'environnement Cerema, et 87% en Israël, principalement pour irriguer les cultures, rapporte l'OCDE.
En Bretagne, première région agroalimentaire de France, l'association des industriels du secteur (ABEA) a calculé que s'il était généralisé, ce recyclage de l'eau pourrait permettre de réduire les prélèvements des entreprises bretonnes "de l'ordre de 20 à 25 %". Actuellement, l'agroalimentaire pèse autour de 12 % des prélèvements d'eau dans la région.
"Faire de la pédagogie"
Certains transformateurs comptent sur un gisement propre à leur activité : le lait, qui contient près de 90 % d'eau. Une eau qui peut être récupérée quand le lait est caillé pour faire du fromage ou séché pour fabriquer de la poudre.
Ils espèrent que le décret leur permettra de recycler plus largement cette eau issue du lait, jusqu'à 11 millions de m3 supplémentaires par an.
"C'est l'équivalent de la consommation annuelle d'eau de Lille ou Rennes", fait valoir François-Xavier Huard, président de la fédération des industries laitières.
Un rapport interministériel paru en octobre relève cependant que "les eaux non conventionnelles ne sont pas une solution magique aux problèmes tendanciels de manque d'eau", leur recyclage étant "coûteux" d'un point de vue économique et environnemental, car il nécessite de l'énergie et des additifs chimiques.
Le document mentionne aussi le "risque réputationnel" auprès des consommateurs.
"Il faut faire de la pédagogie", reconnaît M. Huard : "Expliquer vers quel usage cette eau va aller, quels traitements vont lui garantir une très bonne qualité, et aussi que le réchauffement climatique impose qu'on optimise toutes les sources d'eau possibles."
Avec AFP.
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