Les principaux arguments qui ont poussé les sénateurs à prendre cette décision sont au nombre de deux. D’une part, il s’agirait d’agir en cohérence avec l’UE, qui a également adopté cette décision en décembre dernier mais avec une date ultérieure. D’autre part, les industriels auraient besoin de temps pour faire leur transition. Frédéric Marchand est sénateur du Nord (LREM) : il avait lui-même présenté un amendement allant en ce sens. Cet amendement n'a pas été formellement adopté. C'est celui de la sénatrice Élisabeth Lamure qui l'a été : il prévoit en plus l’assouplissement de l’interdiction des objets en plastique à usage unique en restauration scolaire, Frédéric Marchand n'étant pas en accord avec ce deuxième point.
Vous assumez soutenir le report d’un an de l’interdiction des objets en plastique à usage unique en dépit des conséquences de leur consommation massive ?
Sans état d’âme ! À partir du moment où, alors que l’interdiction au 1er janvier 2020 avait été adoptée en octobre 2018 et qu’entre temps est intervenue une décision européenne dans la nuit du 18 au 19 décembre avec une application au 1er janvier 2021. Je n’hésite pas à qualifier cette décision d’historique puisque pour la première fois, sur un sujet aussi important, tout le monde a réussi à se mettre d’accord pour faire en sorte qu’une directive soit adoptée. Il me paraît plus judicieux que nous soyons alignés les uns et les autres, plutôt que de vouloir à tout prix être les premiers de la classe tout en sachant que cela ne règlera pas le problème.
Je vais vous prendre un exemple tout simple. Étant frontalier habitant à Lille, si demain j’ai envie de m’acheter des cotons-tiges le 2 janvier 2020, je vais faire 10 kilomètres avec ma voiture et j’irai les acheter en Belgique. Donc, je pense qu’il vaut mieux une dynamique collective à l’échelle européenne qui permette d’envoyer un message fort au reste du monde.
Vous pourriez aussi acheter des alternatives au coton-tige en plastique, il en existe de nombreuses … ?
Je suis d’accord avec vous, sauf que dans le même temps, au-delà d’une chimie verte qui se développe de façon extraordinaire sur le territoire français, il y a des entreprises qui ont besoin d’un peu de temps pour s’adapter. Il ne faut pas balayer d’un revers de main celles et ceux qui travaillent dans une industrie qui est vouée à connaître des modifications substantielles. La transition écologique, pour qu’elle soit réussie, il faut aussi qu’elle soit solidaire et économique. Je maintiens que cette date du 1er janvier 2021, qui s’inscrit dans une dynamique européenne, est une bonne date.
9 millions de pailles sont jetées chaque jour, chaque seconde 50 kilos de plastique arrivent dans les mers et océans, on craint qu’en 2050 il y ait d’ailleurs plus de plastique que de poissons, la France n’a pas un rôle à jouer pour montrer une autre voie ?
Sauf que cette décision a été prise sans qu’il n’y ait aucune étude d’impact et sans concertation avec la filière, et c’est aussi un peu rapide de dire que tout le monde est prêt, non tout le monde n’est pas prêt.
Pour autant les chiffres que vous rappelez m’interpellent, j’ai des enfants et je m’intéresse à l’avenir de la planète, mais franchement je considère que d’avoir une réponse de portée européenne est sans doute beaucoup plus essentiel que d’avoir une seule réponse française. La dynamique doit être collective et partagée par tous nos voisins européens, ce sera le cas le 1er janvier 2021.
Qu’est-ce que vous dites aux nombreuses entreprises qui sont prêtes avec des alternatives au plastique pour le 1er janvier 2020 ?
Que le 1er janvier 2021 va très vite arriver ! Et que tous ces acteurs ont intérêt à travailler ensemble pour qu’une réponse collective française soit à la hauteur des enjeux.
Et le consommateur dans tout ça, vous l’invitez à attendre aussi ?
Je n’ai de cesse de rappeler que si la date retenue est le 1er janvier 2021, il y a longtemps que nous aurions dû adapter nos réflexes de consommation pour aller vers une consommation beaucoup plus vertueuse. Je suis moi-même un adepte du "zéro-déchet" car c’est un véritable enjeu.