Le gouvernement français a pour projet de construire six nouveaux EPR en France.
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Environnement

Enfouissement : les déchets nucléaires militaires entourés d'opacité

Les déchets de la filière nucléaire militaire en France sont absents du débat public, protégés par un secret injustifié et opacifiés par des chiffres imprécis voire inexacts, dénonce mercredi la Campagne internationale pour abolir l'arme nucléaire (ICAN).

"Il est indispensable de mettre fin au régime dérogatoire dont bénéficient les activités et installations militaires sur le plan des conséquences sanitaires et environnementales qu'elles engendrent" estime dans un nouveau rapport ICAN France, relais hexagonal de l'organisation récipiendaire du prix Nobel de la paix en 2017. "Seuls les aspects liés à la fabrication des ogives doivent rester secrets pour éviter tout risque de prolifération technologique, ce qui n'est pas le cas de tout ce qui concerne le contrôle et la transparence de la sûreté nucléaire et de la radioprotection", selon le rapport.

L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) évalue à 9 % la part des déchets nucléaires militaires en France dans le stock global, soit 148 630 mètres cubes. "Mais ces chiffres sont loin de refléter la réalité des dizaines de milliers de mètres cubes de déchets, à vie plus ou moins longue et à plus ou moins haute activité, générés depuis le lancement du programme nucléaire militaire au début des années 1950", dénonce l'étude. La France possède un arsenal nucléaire composé actuellement de 290 ogives thermonucléaires, selon ce document. L'Andra fait par ailleurs état, dans ses derniers chiffres datant de 2018, de 70 sites militaires de matières et déchets radioactifs. Mais l'ICAN fait valoir que d'autres déchets vont s'y ajouter.

La production de déchets nucléaires par la France pour sa politique de dissuasion nucléaire "va se poursuivre et pourrait représenter, en 2100, un volume astronomique de 259 762 mètres cubes, soit environ 87 piscines olympiques", selon le rapport.

L'organisation s'étonne aussi que le combustible pour la propulsion navale, utilisé par la flotte de sous-marins français et le porte-avions Charles-de-Gaulle, soit classé par l'Andra comme un "combustible usé" et non un déchet nucléaire. Elle met en garde contre certains sites dangereux, dont Cherbourg (ouest) qui "accueille 7 réacteurs nucléaires en attente de démantèlement total et d'ici 2050, va accueillir 11 nouveaux réacteurs nucléaires (700 tonnes par unité)".

L'ICAN regrette que "l'absence de données publiques ne permette pas d'établir ne serait-ce qu'une estimation cohérente" des volumes de déchets à venir. "Il est temps de lancer un grand débat public (...) pour débattre des choix et modèles financiers sur le nucléaire français", écrit de son côté en avant-propos Émilie Cariou, députée (non inscrite), membre de la commission des Finances et de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. "La question se posait légitimement il y a déjà une trentaine d'années, elle se pose encore aujourd'hui. Il est temps d'y répondre, nous le devons à nos concitoyens ainsi qu'aux générations futures", ajoute-t-elle.

Avec AFP.