"Dans quelques années, nous ne serons plus là, mais les déchets seront là", constate Isabelle Harel-Dutirou, présidente de la commission qui organise ce débat jusqu'au 25 septembre dans un pays qui possède le deuxième parc de réacteurs nucléaires au monde, derrière les Etats-Unis.
"Tout le monde s'accorde à dire nous devons aujourd'hui prendre des décisions qui préservent les générations futures (...) mais à partir de là, les solutions divergent", explique-t-elle à l'AFP.
"Certains disent que notre responsabilité est de ne pas obérer l'avenir des générations futures en ne laissant pas un héritage impossible à gérer".
Dans ce camp se trouvent les ONG opposées notamment au projet Cigéo d'enfouissement des déchets à 500 mètres de profondeur à Bure (Meuse), qui préfèreraient attendre de possibles avancées de la science avant de choisir une solution qu'elles jugent irréversible.
"A l'inverse, d'autres disent que notre responsabilité est de prendre aujourd'hui les décisions qui s'imposent", ajoute Mme Harel-Dutirou.
Ainsi, les législateurs ont voté en 2006 une loi faisant le choix du stockage en couche géologique profonde des déchets les plus dangereux, ce qui a conduit au projet Cigéo.
Alors certains s'interrogent sur l'utilité d'un débat sur ce choix déjà tranché, et de manière générale sur la façon dont les discussions seront pris en compte pour la rédaction du 5e Plan national pour la gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) 2019-2021.
"Débattre n'a pas de sens si les choix sur ce sujet sont déjà verrouillés", dénonce ainsi le Réseau Sortir du nucléaire, qui a décidé de ne pas participer à ce qu'il qualifie de "pantomime démocratique".
"A quoi bon débattre des options de gestion de ces substances ingérables si la seule solution réellement existante, à savoir l'arrêt de leur production, est exclue par les pouvoirs publics", poursuit l'ONG, alors que le gouvernement a repoussé de 2025 à 2035 l'objectif d'abaisser à 50% la part du nucléaire dans la production d'électricité.
- "Réactions primaires" -
A fin 2017, la France comptait 1,62 million de m3 de déchets radioactifs, selon le dernier inventaire de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).
Les déchets de haute activité (HA), qui peuvent être radioactifs jusqu'à des centaines de milliers d'années, représentent 0,2%, soit l'équivalent du volume d'une piscine olympique, mais 94,9% du niveau de radioactivité, et doivent le temps venu rejoindre Cigéo.
La commission organisant le débat n'éludera pas non plus la question des "risques" souvent associées aux substances radioactives.
"C'est un sujet qui reste méconnu, sur lequel quelques idées reçues sont véhiculées alors que depuis des dizaines d'années (...) on a fait beaucoup de progrès, le système de gestion des déchets fonctionne bien et de manière sûre", assure de son côté Sylvain Granger, responsable de la gestion des déchets chez EDF.
Mais les déchets ne sont pas les seuls en question. Dans un pays qui a fait le choix du retraitement, les "matières", c'est-à-dire les substances radioactives pour lesquelles une "utilisation ultérieure est prévue ou envisagée", devraient être également au coeur du débat.
La question des capacités d'entreposage de ces matières, notamment les combustibles usés en attente de retraitement, sera éclairée par un rapport de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) attendu dans les semaines qui viennent.
Alors que les piscines de La Hague risquent d'arriver à saturation d'ici 2030, EDF envisage une nouvelle piscine centralisée, tandis que Greenpeace plaide pour un entreposage à sec en sub-surface (juste sous la surface), jugeant les piscines "vulnérables" aux attaques extérieures.
Avec ce débat, la commission espère fournir aux citoyens "des arguments philosophiques, sociologiques, techniques, relatifs aux impacts environnementaux ou sanitaires", résume Isabelle Harel-Dutirou.
"Pour que les gens soient en mesure de se faire une idée qui dépasse nos réactions primaires".
Avec AFP.