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Dossier

Jeter au lieu de réutiliser : l’ampleur des dégâts

Trop de biens qui finissent aux ordures, cela implique rarement des conséquences réjouissantes sur le plan environnemental. Etat des lieux.

Lorsque le consommateur n’est pas en mesure de réparer, de revaloriser, ou de confier un bien inutilisé à un tiers pour qu’il lui confère une nouvelle vie, celui-ci a tendance à atterrir dans la case ordures. Des millions de tonnes de produits auraient pourtant pu, potentiellement, connaître une seconde vie. Malgré tout, 98 % des Français affirmaient en 2012 avoir déjà eu recours au réemploi1, qui selon l’ADEME – Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie – a tendance à se démocratiser. En attendant que les comportements des Français évoluent davantage en ce sens, qu’advient-il de tous ces biens devenus un peu trop rapidement des déchets ?

Direction l’incinérateur

L’incinération avec valorisation énergétique consiste à récupérer la chaleur que dégage la combustion d’éléments contenus dans les déchets pour la production d’électricité et de chaleur. On dénombre 126 incinérateurs en fonction en France. L’association de protection de l’environnement Zero Waste France souligne toutefois que pour 1000 kg de déchets « avalés par un incinérateur, celui-ci rejettera des résidus solides toxiques », dont environ 200 kg de mâchefers et 30 kg de REFIOM – résidus d’épuration des fumées d’incinération d’ordures ménagères2. Or, toujours selon Zero Waste France, la France a produit en 2014 470 000 tonnes de REFIOM destinées... à l’enfouissement notamment en centre de stockage pour déchets dangereux. Du côté des mâchefers, ces résidus solides peuvent servir de matières premières dans le secteur du BTP (utilisés en sous-couches routières). Mais l’Association explique qu’en 2014, 300 000 tonnes de ceux-ci ont plutôt été envoyés en décharge, par exemple parce qu’ils étaient trop pollués. Cela implique un double traitement des ordures ménagères : une fois en incinération et une fois en décharge.

Stockage pour les résidus

Les résidus de déchets ne pouvant être valorisés finissent dans des décharges, un « terrain creusé, recouvert d’un remblai et d’une bâche, la géomembrane, sur lequel on entasse les déchets ». On en compte plus de 230 en France. Afin de protéger l’environnement, les installations de stockage, dont il existe trois types – pour déchets ménagers et banals, pour déchets inertes et pour déchets dangereux – sont soumis à une réglementation stricte. Zero Waste France explique toutefois que de la décomposition des déchets entassés sont produits des lixiviats, fraction liquide née de l’action conjuguée de l’eau de pluie et de la fermentation naturelle, alors que l’isolation des déchets du sol ne dure qu’un temps. D’où une infiltration possible de ce « jus toxique » au-delà de la géomembrane voire dans les nappes phréatiques aux alentours.

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Le problème à la source

Par ailleurs, l’ADEME rappelle qu’aucun produit n’est neutre par rapport à l’environnement, y compris ceux dits « verts » ou « écologiques ». Dès lors que l’on fabrique un produit, cela implique des impacts négatifs sur l’environnement, au niveau de la qualité de l’air, de l’eau, des ressources et de la santé humaine. L’Agence rappelle en effet que tout produit a « besoin de matières premières et d’énergie » pour être fabriqué et qu’il doit être emballé et transporté. Elle précise que tout cela contribue au changement climatique, à l’épuisement des ressources fossiles et minérales, à la consommation de ressources énergétiques, à la pollution, à la dégradation des eaux douces et à l’épuisement des réserves naturelles d’eau.

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1Etude TNS Sofres pour l’ADEME, les Français et le réemploi des produits usagés, réalisée par téléphone du 30 mai au 6 juin 2012 auprès d’un échantillon de 1003 personnes, représentatif de la population française âgés de 18 ans et plus.

2 https://www.zerowastefrance.org/media/dico_dechet.pdf