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Chronique

Emmanuel Macron remplit la gibecière des chasseurs

Sébastien Lecornu est un homme consciencieux. Après que le président Macron lui ait demandé de déminer le dossier épineux de la chasse, il a rencontré les divers acteurs dans un esprit d’attention et d'écoute. Il a même renouvelé les rendez-vous pour être sûr d'apprécier correctement les arguments des uns et des autres.

Puis, il a rédigé un dossier de synthèse qu'il remet cette semaine à l'Elysée. Qu'a t-il dans la gibecière ? Il se garde bien de répondre. "C'est en fin de compte le président qui tranchera", lâche t-il. Et Nicolas Hulot ? Ce dernier affirme qu'il aura son mot à dire. Reste à savoir si le point de vue du ministère pèsera aussi lourd que l’arbitrage potentiel du Président. En attendant, la stratégie politique employée par le gouvernement, et plus singulièrement le Président, laisse perplexe. Car enfin, tous les cadeaux ont déjà été faits aux chasseurs. Aucun gouvernement n'a, du reste, été aussi généreux en aussi peu de temps.

Des cadeaux aux chasseurs ?

Alors que les scientifiques alertent sur le déclin dramatique de la biodiversité, le château ne dit mot. En revanche, il annonce d'heureuses perspectives pour les porteurs de fusils : le retour des chasses présidentielles, le prix du permis qui passe de 400 à 150 €, les silencieux sur les fusils, le prolongement d'un mois pour la chasse aux oies (malgré les avis contraires du Conseil d'Etat) et quelques autres délicatesses qui méritent qu'on lève son verre lors des dîners de chasse. A propos des engagements pris par le candidat Macron lors de la campagne, pas un mot ! Le monde des amoureux de la nature s'étaient pourtant réjoui de l'interdiction programmée du plomb, qui pèse tout de même 8 000 tonnes déversés alors, que, dans le même temps, l'Anses alerte sur les conséquences sanitaires. De même, il avait été apprécié que les espèces en mauvais état de conservation sortent de la liste des chassables. Touché d'amnésie, l'Elysée n'a absolument pas évoqué ces promesses. Pour mesurer la situation, il faut savoir que la France chasse 66 espèces d'oiseaux, contre une moyenne de 14 dans le reste de l'Europe ! Et parmi cette palette de cibles potentielles, on compte plus de 20 espèces en mauvais état de conservation (figurant sur la liste UICN). Au hasard des agonisants, on note la tourterelle des bois, qui a perdu 80 % de ses populations durant ces dernières décennies et dont on flingue encore 100 000 individus chaque année. L'alouette des champs, qui égayait nos campagnes autrefois, a vu ses populations décliner d'un tiers. Qu'importe, les chasseurs qui se revendiquent par ailleurs les meilleurs gestionnaires de la nature, continuent d'en piéger ou tuer près de 480 000 bon an mal an. La fête continue avec le grand tétras....

On peut légitimement se demander pourquoi le Président Macron se montre t-il si généreux avec le monde de la chasse qu’il côtoie bien volontiers (alors qu'il vient de refuser de recevoir les associations de protection de la nature !). Il espère reconquérir le monde rural, tempèrent certains observateurs. À l'évidence, il se trompe de cible. Le monde rural s'est métamorphosé. Désormais, ce sont les citadins reconvertis, les vététistes, les cavaliers, et autres randonneurs qui occupent l'espace rural et qui n'apprécient guère que le plomb se croit tout permis.