André Ollivro, coprésident de l'association "Halte aux marées vertes" à la plage de Grandville, réserve naturelle de la baie de Saint-Brieuc.
©LOIC VENANCE / AFP
Environnement

André Ollivro, vigie des marées vertes et pourfendeur de l'agriculture intensive

Son cabanon blanc surplombe la baie de Saint-Brieuc et ses nauséabondes marées d'algues vertes. Voilà près de 20 ans que l'inlassable André Ollivro combat ce fléau, au point d'être devenu la bête noire de beaucoup d'agriculteurs.

"Vous sentez pas quelque chose ? Hein, ça pue là !", lâche le retraité au visage rond et à la casquette rose, attablé devant son bungalow qui domine la plage de la Grandville.

Sous ses fenêtres s'étend la vaste baie de Saint-Brieuc, classée réserve naturelle, où deux chiens sont morts en 2008, trente-six sangliers en 2011 et un joggeur en 2016. A chaque fois, les algues vertes, qui émettent un gaz très toxique en se décomposant, ont été suspectées. Cette plage aujourd'hui déserte, où son oncle et sa tante tenaient un hôtel-restaurant, André Ollivro, 74 ans, l'a connue très fréquentée dans son enfance. "C'était la plage familiale où les enfants pouvaient jouer et se baigner avec une eau propre et chaude. Les gens venaient en vélo, en autocar ou en petit train", raconte-t-il.

Le cabanon, cet ancien ingénieur chez Gaz de France l'a construit en 1968, juste avant l'arrivée des premières marées vertes. "On pêchait des crevettes, des bigorneaux, du bar. Aujourd'hui, y a plus de ver de vase, la plage est empoisonnée!", tonne-t-il.

Longtemps élu communiste en région parisienne (il a été adjoint aux Finances de l'ancien ministre Alain Richard à Saint-Ouen l'Aumône), "Dédé le coriace", comme il aime se faire appeler, est devenu écolo sur le tard. A la faveur d'une retraite précoce (à 53 ans), il revient s'installer en Bretagne et lance en 2001 l'association "Halte aux marées vertes"."Il a été horrifié de voir le saccage des plages de son enfance", explique le Dr Claude Lesné, ingénieur de recherche au CNRS, qui l'a connu en 2008.

"Grande gueule"

Pétitions, manifestations et actions médiatiques. A chaque fois, le militant écolo tempête contre les méfaits de l'agriculture intensive, principale cause des algues vertes par le recours massif aux engrais et à l'épandage de lisier. L'auteur de "La Bretagne est-elle une porcherie ?" prend des airs d'André Malraux pour fustiger "la mafia", "la forteresse agricole" et "l'agriculture intensive dévastatrice de nos rivages".

"Avec sa grande gueule, il déménage quand il parle dans le poste", rigole son comparse de lutte Yves-Marie Le Lay. Avec parfois le sentiment de prêcher dans le désert. "On nous dit demain, ça ira mieux, mais on ne voit rien venir", déplore-t-il dès 2005.

En 2009, il apparaît avec un masque à gaz dans l'émission Thalassa sur France 3 et monte au créneau après la mort d'un cheval intoxiqué sur la plage de Saint-Michel-en-Grève (Côtes-d'Armor) puis celle de Thierry Morfoisse, transporteur d'algues vertes à Binic (Côtes-d'Armor). "L'association nous a tout apporté, c'est comme une famille", glisse Jeanne Morfoisse, mère de Thierry.

Accusé d'être "Anti-paysan"

Élu Breton de l'année 2009 par les lecteurs du Télégramme, le militant écolo reçoit des menaces de mort. Puis, les années suivantes, trouve devant sa maison un renard à la tête brûlée d'acide, des meules de paille et du fumier. En 2012, des agriculteurs manifestent devant son cabanon, l'accusant d'être "anti-paysan". "C'est un véritable repoussoir pour la profession agricole, qu'il passe son temps à stigmatiser", tempête Olivier Allain (LREM), vice-président de la région Bretagne et ancien président de la chambre d'agriculture, qui participait à la manifestation. "Il n'y a aucune construction possible avec lui, ce qui l'intéresse, c'est de faire du spectacle." "Il y a eu des progrès dans les consciences des agriculteurs", répond André Ollivro. "C'est pour ça qu'ils s'énervent, parce qu'ils se sentent responsables." 

Thierry Burlot, vice-président (PS) à l'environnement à la région, évoque lui un "lanceur d'alerte" aux arguments "un peu excessifs": "Il attise les peurs en permanence mais parfois les faits lui donnent raison, malheureusement."

En 2017, pris d'un coup de blues, le militant annonce vendre son cabanon d'observation, avant de se raviser sous la pression de ses enfants. "Je serai encore là en fauteuil roulant et en béquilles, si l'exécutif ne prend pas le problème à bras-le-corps", assure-t-il aujourd'hui. "Le combat, c'est la vie !"

Avec AFP

Vous avez apprécié cette information ? Pour nous permettre de préserver notre indépendance et vous proposer des contenus toujours plus nombreux et rigoureux, vous pouvez soutenir notre travail. 

Si vous avez une minute et 1€, cela peut faire la différence pour nous. Merci ! #TousActeurs.