Le combat pour ce marché de quatre milliards d'euros, une vitrine technologique et l'un des plus importants du genre en Europe, a en effet connu son lot de péripéties, avec au printemps dernier un bug informatique qui a fait atterrir chez Veolia des documents confidentiels destinés au concurrent Suez. La procédure avait alors été gelée plusieurs mois, après cet incident intervenu sur la plateforme informatique du Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif).
Après six mois d'incertitude, le Sedif a décidé in fine en octobre de poursuivre l'instruction sur la base des offres reçues avant l'incident, invoquant une décision du Conseil d'État de 2017 liée au marché des transports publics de Lille.
Cette décision de poursuivre l'instruction a été contestée en justice par Suez, finalement débouté fin novembre par le tribunal administratif de Paris, lequel a estimé que la décision du Sedif de reprendre la procédure d'appel d'offres sans exclure le candidat Veolia n'était "pas entachée d'erreur d'appréciation".
Suez a annoncé le jour même son pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat. La plus haute juridiction administrative se penchera sur cette affaire lundi, selon une source proche du dossier. Le Conseil d'Etat ne rendra pas sa décision ce jour-là, mais les préconisations du rapporteur public donneront une première indication.
Le Sedif indique à l'AFP qu'il "attendra la décision du Conseil d'État qui devrait intervenir assez rapidement, pour signer le cas échéant le contrat avec le soumissionnaire approuvé par le Comité si cette décision le permet".
Usines contestées
Auparavant, jeudi, le comité du Sedif se réunira, comme à son habitude dans l'usine de production d'eau potable de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), lors d'une séance dont l'ordre du jour se résumera à un seul point: "choix de l'attributaire du contrat de concession relatif à la gestion du service public de l'eau potable en Ile-de-France".
Après présentation d'un rapport d'analyse des offres, André Santini, le président du Sedif depuis 1983, fera part de son choix à l'assemblée délibérante des 133 communes. Celles-ci procéderont ensuite au vote à l'issue d'une séance de questions-réponses, a précisé le Sedif.
Outre la distribution de l'eau, le délégataire aura la lourde tâche de mettre en oeuvre un projet colossal de transformation des trois usines de traitement du Sedif, qui devront être équipées à l'horizon 2030 d'une technologie dite d'"osmose inversée basse pression" (OIBP) visant à purifier l'eau via un système de membranes.
Ce projet de quelque 870 millions d'euros, controversé sur les plans environnemental, énergétique et financier, doit permettre aux communes concernées de bénéficier d'une eau "sans chlore" et "sans calcaire", promet le Sedif.
"C'est une sorte de fuite en avant", dénonce Séverine Delbosq, élue de sensibilité écologiste de l'Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et l'une des rares opposantes à ce projet, qui ne se fait guère d'illusions sur le résultat de cet appel d'offres pour un marché détenu par Veolia depuis un siècle.
"Plus on va vers l'hyper-technologie, moins on trouvera nécessaire de préserver la ressource en amont", ajoute-t-elle, regrettant une démarche de préservation de la ressource "à toute petite échelle". De surcroît, les opposants à ce projet, comme la régie Eau de Paris, craignent que les rejets des usines équipées de cette nouvelle technologie ne se traduisent par un "report" des pollutions sur les acteurs voisins.
Le Sedif assure que le "concentrat" issu de la filtration, fort en micropolluants et matières organiques, n'ajoutera pas de substances polluantes aux eaux de surface dans lesquelles il sera rejeté.
Dans un avis du 10 janvier 2024, la Commission nationale du débat public (CNDP) souligne que le Sedif s'est engagé à réaliser des études "afin d'approfondir la question des impacts du projet" en la matière. La CNDP a recommandé que ces études puissent être mises en oeuvre "avant" le choix du délégataire, afin que ce dernier puisse prendre en compte ces résultats, une recommandation qui devrait rester lettre morte, compte tenu de la date choisie pour le vote.
Le Sedif, interrogé par l'AFP, confirme que ces études seront menées "une fois le concessionnaire retenu, sur des données stabilisées".
Avec AFP.
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