"Nous entrons dans une période de consolidation du marché, les entreprises les moins bien financées, les plus fragiles disparaissent car le marché est devenu plus dur, mais il se consolide autour d'acteurs qui deviennent de plus en plus forts", a déclaré M. Guesné à l'AFP au cours d'un entretien.
Malgré l'engouement sur l'hydrogène depuis la crise sanitaire - vu comme solution pour décarboner l'industrie et les transports lourds - le secteur, émergent, accumule les ratés: non réalisation ou retards de projets, faillites, cessions se succèdent en France.
Alors que les technologies ne sont pas encore toutes matures, l'hydrogène décarboné reste encore beaucoup trop cher, et pas compétitif face aux produits gaziers et pétroliers qu'il aspire à supplanter, notamment en raison du prix élevé de l'électricité sur le vieux continent, résument les analystes.
Après le report par Airbus du projet emblématique d'avion à hydrogène, l'unique constructeur français de bus à hydrogène Safra, basé dans le Tarn, est passé mardi sous pavillon chinois après sa mise en redressement judiciaire.
Et mi-mai, le producteur d'électrolyseurs McPhy a été placé en liquidation, moins d'un an après l'inauguration d'une usine flambant neuve à Belfort.
Mais M. Guesné, comme beaucoup d'autres, continue d'y croire. Ancien directeur du Commissariat à l'Energie atomique et aux énergies alternatives des Pays de la Loire et de Bretagne, cet ingénieur en électronique et informatique a fondé en 2017 Lhyfe, dédiée à la transition énergétique, qui produit et fournit de l'hydrogène vert et renouvelable.
La start-up a inauguré en 2021 le premier site industriel de production d'hydrogène vert au monde directement relié à un parc éolien, à Bouin en Vendée, qui lui apporte de l'électricité verte pour produire des molécules d'hydrogène via électrolyse de l'eau. Il déploie depuis des sites de production partout dans le monde.
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Retour de l'optimisme
Les seuls besoins de décarbonation de l'industrie lourde suffisent à justifier le retour de l'optimisme, selon M. Guesné: 100 millions de tonnes d'hydrogène "gris", fortement émetteur de CO2, sont produits chaque année sur la planète, consommé par l'industrie pétrolière, sidérurgique ou chimique. Ce qui suscite l'émission d'un milliard de tonnes de CO2 dans l'atmosphère par an sur les 35 milliards de tonnes de gaz à effet de serre émis sur la planète, soit 3% du total.
Dans les transports, "on voit arriver des flottes de bus ou de camions à hydrogène dans une dizaine de pays européens, par exemple à Cologne en Allemagne, une flotte de 160 bus est prévue", note-t-il. Toujours dans les transports, l'annonce lors du récent sommet Choose France d'une joint-venture franco-allemande installée à Fos sur Mer pour décarboner l'aviation va dans le même sens.
Le développeur français de gigafactories de production d'hydrogène vert H2V et le producteur allemand d'hydrogène Hy2gen investissent ensemble 1,5 milliard d'euros, afin de produire du carburant d'avion durable, à base d'hydrogène.
A une échelle plus modeste, Lhyfe vient de décrocher 53 millions d'euros de financement bancaire pour quatre sites d'électrolyse, trois en France et un en Allemagne.
"C'est structurant et un signal pour le marché européen: nous avons obtenu pour la première fois le soutien de banques, dont Edmond de Rotschild. D'ordinaire les banques sont les dernières à financer du risque", souligne-t-il. "Ils croient en ce qu'on fait".
Dépendant jusqu'à présent de ses clients, de financements industriels et de subventions, Lhyfe peut ainsi espérer sortir de la "vallée de la mort" des start-up émergentes qui peinent à se transformer en entreprise de taille conséquente par manque de financements.
Dans la foulée, Lhyfe a lancé un financement citoyen de projets dans l'hydrogène en promettant un "bon rendement" à ceux qui acceptent de placer leurs économies dans le secteur. "Nous l'avons lancé sur la plateforme Lita, nous voulons que les gens placent leur argent dans l'hydrogène et qu'ils gagnent de l'argent en retour", explique-t-il.
Avec AFP.