D'après un rapport de l'ADEME en 2022, 16 % du CO2 du secteur aérien est émis lors de la production et distribution du kérosène, et 84 % lors de la consommation du carburant.
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Face aux critiques sur sa réputation de pollueur, le transport aérien se rebiffe

Face aux appels à bouder l'avion, le secteur du transport aérien se rebiffe et assure être "mobilisé à mort" pour contenir ses émissions de CO2, sans toutefois disposer pour l'heure des technologies qui permettraient de les faire baisser de manière drastique.

"Le secteur subit une pression assez importante. Ce qui nous surprend, c'est que beaucoup ne savent pas ce que nous faisons déjà" depuis 2009, se défend Alexandre de Juniac, le directeur général de l'Association internationale du transport aérien (Iata), dont les membres se sont réunis du 1er au 3 juin à Séoul pour leur assemblée générale annuelle.

Depuis plusieurs mois, l'aviation est sous le feu des critiques pour ses émissions de dioxyde de carbone (CO2) qui, selon des chiffres de l'Agence européenne de l'environnement, dépassent largement avec 285 grammes par passager-kilomètre celles des autres modes de transport.

Le secteur est également accusé de sous-estimer son impact environnemental.

L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) estime ainsi à 2% la part du transport aérien dans les émisisons mondiales de CO2.

Mais "une fois tous ses effets pris en compte (trainées de condensation, oxydes d'azote, etc.) il est responsable de 5% du réchauffement climatique", affirme pour sa part "Réseau Action Climat", qui fédérant des associations qui luttent contre le changement climatique.

Depuis quelques mois, des citoyens se mobilisent pour appeler au boycott de l'avion, notamment en Suède où le mouvement "flight shaming" (la honte de prendre l'avion) incite les voyageurs à privilégier tout autre moyen de transport.

En France, l'ex-ministre de l'Ecologie Delphine Batho veut, avec des élus des Insoumis (gauche radicale), interdire les vols intérieurs pour lesquels le même trajet serait réalisable en train dans une durée raisonnable.

Pourtant, selon M. de Juniac, "l'industrie est mobilisée à mort" pour faire baisser ses émissions polluantes.

Le secteur s'est engagé à améliorer son efficacité énergétique de 1,5% par an entre 2009 et 2020 et à stabiliser ses émissions de CO2 à partir de 2020 pour viser une réduction en 2050 de 50% par rapport au niveau de 2005.

Un défi de taille, sachant que, selon les projections de l'Iata, le nombre de passagers devrait doubler au cours des deux prochaines décennies pour atteindre 8,2 milliards en 2037.

Les compagnies misent sur des avions de nouvelle génération moins polluants, mieux remplis, plus légers (sièges, fibre de carbone, tablettes remplaçant la lourde documentation des pilotes...), volant avec des bio-carburants, suivant des trajectoires plus directes, et desservant des aéroports moins congestionnés.

Démarrer "très vite"

"Pour atteindre les objectifs de 2050, il faut démarrer aujourd'hui et très vite", constate Philippe Plouvier,directeur associé au cabinet de conseil Boston Consulting Group à Paris.

"Le renouvellement continu de la flotte est un élément majeur", estime-t-il, citant les derniers modèles de gros porteurs qui "permettent de réduire les émissions de CO2 de 20 à 25%".

Mais selon lui, avec les moyens existants "on peut combler environ 30% du problème. Pour combler les 70% qui restent il faut soit faire appel à des carburants bio, soit faire appel à de l'électrique".

Autrement dit, un tournant technologique qui semble encore lointain. La propulsion électrique pour l'aviation commerciale long-courrier reste en effet très hypothétique en raison du poids excessif des batteries. L'utilisation des bio-carburants, techniquement éprouvée, est freinée par leur prix élevé, ainsi que par les questions sur le coût environnemental et social de leur production.

D'autres pistes, comme des fuselages plus aérodynamiques, sont explorées. À Séoul, l'université néerlandaise de Delft a présenté, avec le soutien de KLM, une structure de fuselage en V qui réduirait la consommation de carburant de 20%.

Autant d'efforts mis en avant pour écarter d'éventuelles "taxes vertes" sur le transport aérien, que les compagnies ne veulent surtout pas voir s'ajouter aux mesures de compensation déjà existantes, basées sur le principe des quotas d'émissions. Ainsi le marché du carbone européen (SEQE, ou ETS selon son acronyme anglais), et bientôt un mécanisme mondial, le Corsia (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation), devant entrer en service après 2020.

"Souvent ces taxations sont absorbées dans les budgets des États et servent à faire tout ce qu'on veut, sauf de l'environnement", s'agace M. Juniac.

Avec AFP.