Les indicateurs d'impact environnemental se multiplient.
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Entreprises

Subventions ou taxes ? Les économistes cherchent la formule magique pour financer la décarbonation

Comment inciter les entreprises à fabriquer des produits plus verts? Face à la facture exorbitante de la décarbonation, les économistes sont partagés sur la meilleure manière d'encourager et susciter les investissements nécessaires.

"Il ne faut pas se raconter d'histoires : si on veut décarboner, ça va coûter de l'argent", expose Lionel Fontagné, conseiller scientifique au Cepii (Centre d'études prospectives et d'informations internationales) invité à s'exprimer vendredi à Paris lors du Printemps de l'économie, série de conférences-débats sous patronage du Conseil économique social et environnemental (CESE). Selon une récente étude de l'assureur crédit Allianz Trade, le secteur manufacturier (environ 25% des émissions européennes de gaz à effet de serre) a besoin à lui seul de 210 milliards d'euros pour atteindre l'objectif européen de neutralité carbone en 2050.

"L'industrie du papier aura besoin des plus gros investissements (78,4 milliards), suivie par la métallurgie (55,4 milliards) et le ciment (37,6 milliards)", détaille Allianz Trade. Quelles que soient les incitations à la décarbonation, plus les entreprises agissent vite, moins cela coûtera cher, insistent les économistes de la Banque de France.

Une conclusion similaire à celle, plus générale, du Giec sur le réchauffement climatique. "Les bénéfices économiques et sociaux d'une limitation du réchauffement climatique à 2°C dépassent le coût des mesures à mettre en place", insistaient ainsi fin mars ces experts de l'ONU. Les Etats-Unis n'ont pas hésité à ouvrir largement le carnet de chèques avec l'Inflation Reduction Act. Déployé depuis 2022, ce paquet de mesures prévoit des subventions généreuses pour les industries engagées dans la décarbonation.

"Quand on donne des subventions aux énergies vertes, c'est très bien pour leur développement mais ça n'affecte pas l'économie +brune+", avertit cependant Agnès Bénassy-Quéré, sous-gouverneure de la Banque de France. En d'autres termes, financer le développement des énergies renouvelables n'a pas nécessairement d'impact sur la consommation d'énergies fossiles, plus polluantes mais parfois privilégiées par les consommateurs pour leur moindre coût.

"Pas de consensus"

Et "si tous les pays du monde adoptent la stratégie américaine d'investissement public et de subventions à l'investissement privé, on risque d'avoir une hausse des taux d'intérêt au niveau mondial", met en garde Mme Bénassy-Quéré, ce qui renchérira in fine les investissements dans la décarbonation. La sous-gouverneure de la Banque de France défend donc plutôt la stratégie européenne, basée sur une forme de "taxe carbone" sur les importations de produits polluants.

Mais comme tout mécanisme fiscal, ce système est accusé par certains de nuire à la compétitivité européenne, en renchérissant les coûts pour les entreprises du Vieux Continent qui dépendent de composants importés pour produire. L'impact des politiques de décarbonation est très différent "selon que les autres pays du monde ne font rien ou ont au contraire des politiques ambitieuses" de transition écologique, relève Mame Fatou Diagne, économiste à l'OCDE.

Frein supplémentaire à la décarbonation, "il n'y a pas de consensus sur une méthode miracle pour arriver au résultat", constate Lionel Fontagné. Les spécialistes semblent tout de même s'accorder sur le rôle déterminant de l'investissement privé. Dans une étude publiée récemment, des économistes de la Banque de France ont ainsi imaginé quatre scénarios possibles de décarbonation et mesuré leur impact respectif sur l'inflation et la croissance dans l'Hexagone.

Au bout de cinq ans, le scénario de "forte hausse de l'investissement privé" produit les effets les plus favorables: l'inflation est inférieure de près d'un point à celle qui aurait été constatée en l'absence d'investissements privés, et la croissance supérieure de près d'un point de PIB, selon l'étude.

Pour provoquer cette masse d'investissements privés, il n'est d'ailleurs pas forcément nécessaire de déverser subventions et crédits d'impôts sur l'ensemble des entreprises. Parmi les industries les plus émettrices de gaz à effet de serre, "certaines ont actuellement des marges suffisantes et une capacité d'innovation qui leur permet de réinvestir" en faveur de la décarbonation, assure Mame Fatou Diagne.

Les géants du transport maritime CMA CGM et de l'énergie TotalEnergies ont par exemple réalisé des bénéfices record en 2022 (plus de 20 milliards d'euros), de quoi leur donner une aisance financière suffisante pour investir dans la décarbonation.

Avec AFP.