Entreprises

Courbet : la joaillerie écologique prend ses quartiers Place Vendôme

Depuis plus d’un an, Courbet bouscule les codes de la joaillerie de luxe parisienne en proposant des bijoux confectionnés à partir d’or recyclé, mais aussi et surtout de diamants de laboratoire.

Au royaume du luxe, la jeune marque de joaillerie Courbet fait définitivement figure d’originale. Non pas par manque de savoir-faire, en tous points comparable à celui des maisons concurrentes, promet Manuel Mallen, président directeur général de l’enseigne. Ni même d’ailleurs par son emplacement, elle qui a pris ses quartiers il y a maintenant environ un an place Vendôme, haut lieu de la joaillerie mondiale. Non : pour trouver la particularité des parures signées Courbet, c’est du côté des matériaux qu’il faut regarder, car l’or y est recyclé, et les diamants de synthèse.  

Concilier luxe et écologie

"L’idée était de monter la première joaillerie écologique basée Place Vendôme", explique Manuel Mallen, qui a passé de longues années au sein du groupe Richemont. "Écologique parce qu’il n’y a aucune extraction : l’or recyclé provient de mines urbaines où sont entreposés les déchets industriels, tandis que les diamants sont cultivés en laboratoire".

Et les enjeux sont de taille, car les dégâts provoqués par l’exploitation minières sont colossaux, souligne-t-il. "Il faut savoir que les plus gros trous creusés par l’homme sur la terre sont des mines de diamant, et il faut extraire jusqu’à 250 tonnes de minerais pour un carat de diamant, soit 0,2 gramme". Du côté du coût social, ce n’est pas forcément beaucoup mieux, alors que les géants de l’industrie se sont régulièrement vus exposés, ces dernières décennies, à des controverses concernant les conditions de travail de mineurs, même s’il y a eu ces dernières années de "vraies améliorations", atteste le directeur de Courbet.

Mais s’il existe une alternative crédible et éthique au diamant de mines, pourquoi s’en passer ? interroge Manuel Mallen, d’autant que la qualité des gemmes de culture est en tous points identique à celle leurs homologues formés dans le manteau terrestre. "Le carbone est soumis en laboratoire aux mêmes hautes pressions et températures que dans la nature, pour les mêmes effets : le carbone se cristallise et devient du diamant, avec les mêmes degrés d’incertitude".

Résultat, "il n’y a aucune différence", insiste-t-il : les diamants obtenus ont les mêmes propriétés physiques, chimiques et optiques qu’un diamant provenant des mines, et obtiennent d’ailleurs les mêmes certificats de la part des instituts de gemmologie. "C’est la même différence qu’en un morceau de glace que vous prenez dans votre congélateur et un morceau de glace que vous prenez sur la banquise", illustre Manuel Mallen.

Seules nuances, et pas des moindres : le processus, long de plusieurs millions d’années sous terre, n’aura pris que quelques semaines en laboratoire. A la caisse, la différence se fait également sentir, avec des pierres en moyenne 40 % moins chères que leurs équivalentes extraites des entrailles terrestres.

Attentes sociétales

Mais un tel procédé est-il pour autant totalement écologique ? Il y a quelques semaines une étude commandée par les sept géants du secteur de l’extraction à la société d’analyse Trucost* estimait qu’un diamant naturel émettait en moyenne trois fois moins de dioxyde carbone qu’un diamant de laboratoire. "La culture est très consommatrice en énergie", concède Manuel Mallen. Mais l’empreinte carbone dépend du mix énergétique dont dépend le lieu de production. "Pour y remédier, nous allons chercher nos diamants aux Etats-Unis et en Russie, où il sont respectivement produits à partir d’énergie solaire et hydroélectrique".

Aujourd’hui, Courbet milite d’ailleurs pour une relocalisation d’une partie de la production dans l’Hexagone, la marque travaillant en collaboration avec un chercheur du CNRS pour créer des diamants de culture français dès la fin d’année 2019, produits avec de l’énergie solaire.

Les attentes des consommateurs en tout cas sont bel et bien là, pointe Manuel Mallen : "Aujourd’hui, la conscience écologique existe chez les clients, et notamment chez les millenials, en âge de se fiancer et demandeurs de produits responsables". Problème, la dénomination retenue en France "diamant de synthèse", laisse encore planer un doute sur l’authenticité de ces pierres, regrette-il, appelant à un travail d’information à mener auprès du public : "Le fait d’avoir cette appellation complique le développement du business. Aux États-Unis, on préfère le terme de 'diamants de culture'. Les consommateurs y sont également plus pragmatiques : ils ont un produit d’aussi bonne qualité, plus écologique et moins cher, alors ils se lancent".

*The Socioeconomic and Environmental Impact of Large-Scale Diamond Mining