Cédric Ringenbach, président et fondateur de la Fresque du Climat.
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Education/Citoyenneté

La Fresque du Climat: un jeu de cartes pour apprendre le changement climatique

Et si la sensibilisation aux enjeux climatiques pouvait se faire sous la forme d'un jeu ? C'est le pari de la Fresque du Climat, une association qui entend faciliter l'appropriation de ce sujet crucial par le plus grand nombre, aussi bien en recevant l'information qu'en la diffusant. 

Le changement climatique est aujourd’hui une réalité que l’on ne peut plus nier. Pour autant, en saisir les tenants et les aboutissants n’est pas aussi évident que l’on croit. En matière de pédagogie, tous les moyens sont bons pour sensibiliser le plus largement possible, y compris les plus jeunes, aux bouleversements engendrés par ce phénomène et aux défis qu’il implique pour nos sociétés. Parmi ces moyens, le jeu est celui qu’a choisi d’exploiter l’association La Fresque du Climat, créée en 2015. L’engouement pour ces ateliers ludiques, vulgarisés mais exigeants et basés sur un jeu de cartes un peu particulier, ne tarit pas, comme en a témoigné à ID Cédric Ringenbach, président et fondateur de l’association. 

On entend souvent parler de la Fresque de Climat, quelle est son histoire ?

Cela vient d’un enjeu pédagogique. Je donne des cours et des conférences sur le climat depuis une dizaine d’années, et j’ai eu besoin d’un atelier un peu plus interactif pour transmettre à mes élèves des connaissances importantes. J’ai testé un jour cet atelier, avec des cartes représentant les causes et les effets, et j’ai compris qu’il s’agissait d’un moyen très puissant pour se représenter les enjeux du changement climatique sous la forme d’une carte mentale. Je me suis donc servi de cette expérience comme un support pédagogique, de manière systématique dans mes cours. Un jour, il est devenu autoporteur et j’ai pu le mettre facilement dans les mains des autres, c’est là qu’a vraiment démarré la Fresque du Climat, et de plus en plus d’animateurs se servent de cette méthode.

Quelle forme prend la Fresque du Climat sur le terrain ?

Cela prend la forme d’un jeu de 42 cartes, qui sont chacune des composantes du changement climatique. On va avoir les activités humaines, par secteur économique, les émissions de CO2, l’effet de serre, la montée des eaux, etc. Il faut ensuite reconstituer les liens de cause à effet entre les différentes cartes. C’est très simple ; il vous faut ensuite deux mètres carrés de papier, des feutres ou des crayons et une gomme et c’est parti. Ensuite, il n’y a qu’une Fresque du Climat, cependant il en existe aussi une version enfant, qui est destinée aux élèves à partir du CE2-CM1, donc aux enfants en âge de comprendre ce qu’ils lisent, jusqu’au début du collège. Cette version a moins de cartes et des textes plus simples à comprendre.

Les animateurs disposent aussi d’un guide d’auto-formation, et une fois qu’ils l’ont assimilé, on peut commencer à les considérer comme des experts du climat."

Il faut donc quelqu’un pour animer ces ateliers ? Est-ce que cela requiert des compétences particulières ?

On peut animer même si l’on ne connaît pas bien le changement climatique. En effet, au bout d’un certain nombre d’animations, on commence à connaître par cœur toutes les cartes. Les animateurs disposent aussi d’un guide d’auto-formation, et une fois qu’ils l’ont assimilé, on peut commencer à les considérer comme des experts du climat. Cette vitesse de formation est assez forte.

Comment ces cartes ont-elles été créées ?

C’est moi qui les ai créées, il y a de cela cinq ans, et elles ont évolué au fil du temps. Elles possèdent donc du texte, qui permet de les relier entre elles. On peut les télécharger sur notre site Internet pour les imprimer soi-même, ou alors directement les commander sur ce même site, dans la boutique en ligne. Le jeu est vendu 12 euros, on peut aussi acheter les cartes à l’unité voire en plus grande quantité, pour les besoins de plus gros événements. Tout le monde peut donc commander ces cartes ou les imprimer par soi-même.

Concernant la transmission des connaissances, comment sont sourcées les informations et sont-elles mises à jour régulièrement ?

Il y a en effet une grande responsabilité à décider ce qu’il y a dans le jeu et ce qui n’y sera pas. Cependant, les informations se basent les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) qui ont un caractère incontestable car ils sont le produit du consensus de milliers de chercheurs à travers le monde, ce qui est plutôt confortable. Il y a aussi eu des arbitrages à caractère pédagogique, comme celui d’arrondir les chiffres. C’est le cas par exemple de la des émissions de CO2 entre les différents secteurs économiques. À côté de ça, il y a d’autres éléments qui sont jugés essentiels et ne sont pas vulgarisés, comme la notion de forçage radiatif, qui est un peu compliquée à expliquer. Pour ce qui est de la mise à jour, il n’y a pas beaucoup de choses qui changent d’un rapport à l’autre, malheureusement, à l’exception de certains chiffres.

Arrivez-vous à mesurer le nombre de personnes concernées par votre outil ?

Nous essayons de le faire. Les animateurs de la Fresque ont un compteur qu’ils sont censés mettre à jour lorsqu’ils animent des ateliers de leur côté, pour leurs amis, leur famille ou bien leurs collègues. Ce compteur nous dit qu’à l’heure actuelle, 155 000 personnes ont joué, et la réalité est certainement bien au-dessus, puisque le compteur n’est pas systématiquement mis à jour. L’objectif que nous nous sommes fixé est d’atteindre le million de personnes touchées, et nous progressons très vite vers ce chiffre. On peut être six ou sept personnes autour d’une table à la fois, et un animateur qui est à l’aise peut prendre en charge jusqu’à cinq tables. Cela fait donc 20 à 30 personnes potentielles pour un atelier, même si la phase finale de l’atelier, une discussion collective sur les solutions possibles au changement climatique, est plus confortable à 20 qu’à 30.

La Fresque, c’est en général l’occasion d’une vraie prise de conscience. On se rend compte que dans les décennies qui viennent, les conséquences du changement climatique vont devenir de plus en plus tangibles et qu’il faut réagir très vite pour espérer éviter le pire."

Les ateliers ont donc une dimension d’apprentissage, mais aussi un volet « solutions » où chacun peut se demander comment agir à son échelle…

Exactement. La Fresque, c’est en général l’occasion d’une vraie prise de conscience. On se rend compte que dans les décennies qui viennent, les conséquences du changement climatique vont devenir de plus en plus tangibles et qu’il faut réagir très vite pour espérer éviter le pire. La discussion de fin d’atelier, c’est donc souvent l’occasion de répondre à l’envie de se bouger, de devenir acteur de la transition, à titre individuel mais aussi au niveau politique ou à celui des entreprises. Cela amène parfois les gens assez loin ; après la Fresque, on peut avoir envie de changer de métier, de se consacrer corps et âme à travailler sur les solutions, ou encore à devenir animateur à son tour...

Qu'en est-il du lien entre la direction de l'association et les animateurs ?

Le modèle organisationnel de l’association est un peu particulier, puisque nous sommes organisés de manière très décentralisée, avec beaucoup de liberté d’initiative sur le terrain. Nous nous sommes pour cela inspirés du Parti pirate suédois. La marge de manœuvre des acteurs de la Fresque sur le terrain permet une croissance plus rapide du mouvement. Notre licence d’utilisation est ainsi faite pour cela et tout le monde peut utiliser notre outil, ce qui permet d’avoir des animateurs toujours plus nombreux. Elle est aussi utilisable dans un cadre commercial, auquel cas des droits devront être reversés. Nous avons des animateurs partout en France et dans le monde et nous fonctionnons sur le principe de la « do-ocratie ». En d'autres termes, ce sont ceux qui décident qui font, et ce sont ceux qui font qui décident. Cela nous permet d’avancer très rapidement.

Sur le plan de la gouvernance en elle-même, avez-vous aussi été attentif à cet aspect-là ?

Il y a une gouvernance qui est forcément une gouvernance « classique » d’association, avec un conseil d’administration pour prendre certaines décisions. Ce n’est pas parce que notre mode de fonctionnement est totalement décentralisé que la gouvernance est pour autant horizontale, puisque l’on a un devoir d’efficacité qui nous impose parfois d’aller vite dans la prise de décision, ce qui peut parfois être assez vertical.

L’association a-t-elle vocation à monter en puissance en termes humains et matériels ?

Nous progressons très vite, et avons notre propre business model, puisque les droits d’utilisation lui reviennent. Lorsque j’ai créé l’association, je tenais à ce qu’elle soit autonome. J’ai donc mis au point le système selon lequel lorsque les animateurs animent dans un contexte professionnel, ils reversent 10% de leur revenu à l’association, et lorsqu’une entreprise utilise la Fresque en interne, elle reverse 3€ par participant. Aujourd’hui, cet argent représente des sommes importantes pour l’association, car nous avons dix salariés et que le nombre est en constante progression. Nous voulons continuer notre mission pour que l’adhésion soit la plus large possible, car nous estimons que rien ne bougera tant que tous les acteurs ne seront pas sensibilisés à l’enjeu climatique.

Une interview réalisée en partenariat avec France Inter. Pour écouter la chronique Social Lab, cliquez ici

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