Les référendums demeurent à la marge en France.
©Damir Sencar/Shutterstock
Education/Citoyenneté

Quels enseignements tirer du taux d'abstention aux Européennes ?

Les résultats des élections européennes sont tombés. Quelles que soient les surprises et les déceptions, un chiffre ne varie (presque) pas : celui de l'abstention. 

Bien que les élections européennes aient un peu plus mobilisé qu'à l'accoutumée, le constat reste négatif lorsque l'on considère qu'en moyenne, seul un Français sur deux s'est déplacé ce dimanche pour déposer son bulletin dans l'urne. Comment expliquer ce taux d'abstention - qui s'élève plus précisément à 49,9 % - et quelles leçons en tirer ? 

Nous avons posé la question à Romain Slitine, enseignant et conseiller scientifique à Sciences-Po Paris, spécialiste des innovations citoyennes et auteur de "Le coup d'Etat citoyen" (La Découverte, 2016)  et "L'économie sociale et solidaire" (PUF, 2019). 

Pourquoi le taux de participation aux Européennes est toujours relativement faible ?

Le fonctionnement des institutions européennes est d'une incroyable complexité, et les électeurs ont du mal à voir le sens de leur vote. Le Parlement européen fonctionne sur le modèle des "alliances" entre partis issus de traditions politiques nationales parfois différentes, qui se regroupent au sein de grandes coalitions qui sont assez éloignées de ce que nous connaissons au niveau national. Dès lors, il est difficile de voir l'intérêt et l'influence de son vote. Cela n'encourage pas la participation. 

Qui sont les abstentionnistes ? 

Si l'abstention ne se limite pas à eux, c'est dans les quartiers populaires où l'on constate les plus forts taux de désintérêt. Il y a aussi un grand nombre d'électeurs qui ne croient plus du tout au fonctionnement de notre démocratie, qui se disent "à quoi bon ?" et qui ne veulent pas donner de la légitimité, par leur vote, à des institutions et des représentants dont ils se méfient. 

Qu’est-ce que cela dit de notre modèle démocratique représentatif ? 

Si on se place du point de vue du fonctionnement de notre démocratie, seul un électeur sur deux s'est déplacé, au même niveau que pour le premier tour des élections législatives de 2017. Ce qui est structurellement faible. Cela fait quelques années que de nombreux citoyens contestent le fonctionnement d'une démocratie qui se limite à des élections et à un système représentatif. C'est en réalité une réduction du concept de démocratie qui a très peu évolué depuis plus de 200 ans. 

Est-ce que l’abstention favorise le système en place et certains partis ? 

Le vote blanc n'étant pas reconnu, il est difficile de donner un sens précis à l'abstention : contestation du système en place ? Désintérêt pour la politique ? Volonté d'agir par d'autres moyens en s'investissant dans des mouvements citoyens ? Du coup en effet, l'abstention favorise le statu-quo et le taux d'abstention est vite oublié par les représentants élus qui mettent avant tout en-avant leur légitimité issue du suffrage universel, même faible.

Comment expliquer toutefois le (mince) regain de mobilisation pour les Européennes cette année ? 

En effet, certains pourront voir le verre à moitié plein : avec 50 % de participation il y a eu 8 points de plus en 2019 qu'en 2014. Cela montre un regain incontestable d'intérêt pour les élections européennes alors que traditionnellement, ces élections sont en France les moins mobilisatrices. La stratégie - à mon avis dangereuse - de cliver le débat entre "progressistes" et "nationalistes" a pu mobiliser les citoyens autour de ce débat... Assez loin des enjeux européens. De manière plus positive, l'enjeu écologique a pu mobiliser des électeurs pour faire entendre leurs préoccupations. Sur cette question, nombre d'électeurs ont bien compris que l'Europe était la bonne échelle pour agir efficacement. 

Quelles peuvent être les solutions à adopter ou les modèles à suivre pour enrayer cette abstention ?

Il n'existe pas de baguette magique. Je constate que dans les pays où les élections européennes, nationales ou locales sont organisées en même temps, les électeurs se mobilisent davantage. Mais pour enrayer de manière structurelle cette abstention, il faut inventer de nouvelles manières de faire fonctionner notre démocratie. Les citoyens sont en demande de davantage de démocratie directe et de pouvoir intervenir et peser entre deux élections. C'est possible aujourd'hui et c'est dans cette direction qu'il faut se diriger selon moi.

Sondage

Que faut-il faire selon vous pour faire reculer le taux d'abstention en France ?

Choix