Durant l'hiver, les chantiers se succèdent et permettent de créer du lien social entre les citoyens et les agriculteurs.
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Etienne Monclus a fondé un collectif de planteurs de haies bénévoles en 2018, dans le Perche.
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Les plants d'arbres sont soigneusement préparés avant d'être plantés.
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Poser des protections est essentiel pour que les animaux, comme les lapins ou les chevreuils, ne viennent pas manger les jeunes plants.
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Deux ans après sa plantation, cette haie est en pleine croissance.
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Selon le Giec et l'Ipbes, les groupes d'experts intergouvernementaux sur le climat et la biodiversité, le développement de l'agro-foresterie est l'un des piliers pour résoudre ces deux crises.
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Dossier climat

Climat : agriculteurs et citoyens à l'unisson

Depuis les années 1950, 70 % des haies, alliées dans la lutte contre le changement climatique, ont disparu des bocages français. Partout en France, agriculteurs, associations et citoyens bénévoles se mobilisent pour en replanter. Illustration dans le Perche.

"J’avais envie d’agir concrètement, d’être dans l’action", raconte Etienne Monclus, en souriant. Coordinateur depuis une dizaine d’années dans une association de sensibilisation à l’environnement, il a tout simplement décidé de se lancer dans la plantation de haies champêtres, sur son temps libre, en compagnie de quelques amis.

Soutenu par son association La Maison Botanique, le technicien bocage monte en 2018 un collectif de planteurs de haies bénévoles dans le nord du Loir-et-Cher, en plein Perche. Son objectif ? Palier la perte de compétences techniques et au manque d’argent et de temps des agriculteurs. Tout en transmettant ses connaissances sur les arbres et les services qu’ils rendent aux hommes.

Un engouement autour du projet

Depuis, les citoyens sont au rendez-vous. De douze bénévoles à leur début, les planteurs bénévoles sont passés à plus d’une centaine. Le groupe devrait encore accueillir une cinquantaine de nouveaux membres l’hiver prochain.

"J'y participe depuis deux ans, avec près de dix chantiers de plantation à mon actif. Quel plaisir de planter des centaines d'arbres en une journée, dans la joie partagée avec des personnes de tous âges et horizons", explique l’une d’entre eux, Véronique. Cette activité "me tient particulièrement à cœur", poursuit la retraitée : "Replanter des haies dans la campagne pour retrouver un paysage de bocage, fleuri au printemps, abritant la faune sauvage, coupant le vent, préservant la biodiversité."

Le défi, selon Etienne Monclus, n’a pas été de convaincre les citoyens mais les paysans des bienfaits des haies bocagères pour le climat, la biodiversité, le paysage, et même pour leurs pratiques professionnelles (ressources en eau, fertilité des sols, etc). Mais les retours d’expériences d’autres agriculteurs ayant passé le cap ont suscité l’intérêt.

Depuis, les plantations* s’enchaînent tous les hivers dans le nord du département. "Nous avons fait le plein pour les deux années à venir", poursuit-il. "Avec plusieurs chantiers de plus d’un kilomètre de haies l’hiver prochain." Au total, depuis trois ans, 10 000 arbres ont été plantés et 7 000 devraient l'être en 2022.

La mobilisation citoyenne dépasse le Perche. Ailleurs aussi, des associations ou collectifs citoyens agissent auprès des agriculteurs, des entreprises, des collectivités, des particuliers, à l’instar de Mission Bocage ou du collectif Planteurs volontaires dans les Hauts-de-France qui recense pas moins de 8550 membres et 170 515 arbres plantés depuis 2013. Les régions de l’Ouest (Bretagne et Normandie) sont les plus actives, selon Philippe Hirou, président de l’Afac, l’association française Arbres champêtres et agroforesteries.

Un atout pour atténuer le changement climatique

Dans les zones agricoles, la plantation de haies est une pratique d’agroforesterie (plantation de haies, sylvopastoralisme, prés vergers, ligne d'arbres, etc.) favorable à l’accroissement des stocks de carbone dans les sols, détaille l’Inrae, dans un rapport paru en décembre 2020. Autrement dit, le bocage permet d’absorber une partie du carbone que nous rejetons dans l’atmosphère.

Le Giec et l'Ipbes, les experts intergouvernementaux du climat et de la biodiversité, appellent d'ailleurs, dans un rapport commun publié en juin 2021, à transformer le modèle agricole et à développer l'agroforesterie, comme l'une des solutions à ces deux crises environnementales majeures.

Car, comme l’explique le Haut conseil pour le climat, une instance créée en 2018 pour évaluer les lois sous le prisme du climat, "l’agriculture est étroitement liée aux puits de carbone", "essentiels à l’atteinte de la neutralité carbone : ce sont principalement les forêts et les sols". Les émissions du secteur agricole, elles, se répartissent entre l’élevage (48 %), les cultures (41 %) et les engins (11 %).

Préserver les haies existantes

Malmenées depuis le remembrement des années 1970 et la transformation du modèle agricole, les haies ont peu à peu disparu. "Il ne faut pas croire que cela s’est arrêté. 11 500 km de haies sont détruites chaque année", souligne le président de l’Afac. Philippe Hirou insiste sur l’importance de préserver les arbres existants, qui contribuent actuellement à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Il faudra des années pour que les haies récemment plantées en fassent autant. "Planter n’est pas la seule manière d’agir. La gestion des haies existantes est primordiale."

Un constat partagé par Etienne Monclus. Le coordinateur signale, lui aussi, la nécessité de préserver les bocages existants. Quant aux nouvelles haies, le collectif de planteurs de haies prend bien soin de choisir des essences qui seront résilientes face aux sécheresses et aux aléas climatiques. La gestion à long terme constitue également un enjeu important. "Nous travaillons beaucoup sur la qualité des plantations", explique le fondateur du collectif. "Au début, j’ai fait des erreurs et j’ai réalisé qu’une haie pouvait être plantée mais ne pas pousser."

Planteurs de haies : retour sur la création d'un collectif

Transmettre, apprendre et renforcer le lien social

Outre les services climatiques et environnementaux, les plantations de haies amènent aussi du lien social. "Le projet répond à une attente citoyenne : celle de rencontrer les paysans, de partager des projets de création du paysage", note Etienne Monclus, enthousiaste. Effet miroir, les agriculteurs souvent seuls dans leur exploitation, parfois pointés du doigt pour leurs pratiques, échangent avec les bénévoles sur leur métier, leurs contraintes. "Au début, certains étaient un peu dubitatifs. Et puis un groupe arrive, reste toute la journée pour planter, malgré le mauvais temps. C’est un moment joyeux. Et les paysans se sentent valorisés."

Les chantiers permettent également aux fondateurs du collectif de transmettre leurs connaissances en botanique pour que les citoyens puissent ensuite les partager à leur tour. "Désormais des chantiers se tiennent sans que nous soyons présents. Nous transmettons nos compétences, nos outils, pour pouvoir agir plus et plus vite." Des bénévoles, en binôme, sont ainsi amenés à gérer un chantier de A à Z.

Récemment, pour aller plus loin, les planteurs de haies bénévoles du Perche ont lancé une campagne de financement participatif pour pouvoir investir dans du paillage, des arbres et des protections "de qualité". Le prix de ces dernières - elles évitent que les chevreuils ne broutent les jeunes arbres - peut s’élever à 3 ou 4 € quand un arbre coûte entre 0,70 € et 1,40 €. D’ici là, ils bénéficient notamment du programme "Plantons des haies", mis en place par l’Etat dans le cadre du volet agricole du plan de relance économique post-Covid 19. Ce programme prévoit la plantation de 7 000 km de haies et d'alignements d'arbres intraparcellaires sur la période 2021-2022.

Les haies figurent également depuis peu dans le label d'état "Bas carbone" qui certifie des projets de séquestration du carbone. Elles sont également défendues par des scientifiques, des associations et des entreprises, dans le cadre des futures négociations de la PAC, la Politique agricole commune, qui façonne les règles de l’agriculture en Europe. Dans le Perche, les planteurs se félicitent d’avoir trouvé un modèle qui fonctionne et qui fédère. Et espèrent voir prochainement de nombreux collectifs essaimer ailleurs.

*Les pistes audio sont des extraits de l'interview vidéo d'Etienne Monclus, fondateur du collectif de planteurs.

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