Education/Citoyenneté

Circuits courts, saisonnalité : quand les petits producteurs viennent sensibiliser les futurs chefs

Pour la quatrième année consécutive, une petite sélection de producteurs est allée rendre visite à des élèves de l’école hôtelière de Ferrandi, à Paris, en ce mois d'avril. Objectif ? Inciter les futurs chefs à se détourner de l’industrie agro-alimentaire pour privilégier les circuits courts. 

L’occasion pour les producteurs de parler de leurs méthodes de travail et pour les élèves, d’en apprendre un peu plus sur les produits qu’ils cuisineront, notamment lors de dégustations et de discussions en cuisine. 

Les producteurs ayant accepté de rencontrer les élèves sont tous adhérents au Collège Culinaire de France, une association ayant établi un réseau entre les chefs et les producteurs, regroupés sous l’appellation militante "Restaurants et Producteurs-Artisans de Qualité". 

Traçabilité et saisonnalité

Les enjeux principaux portés par cette appellation reposent sur la transparence de l’assiette (concernant la traçabilité des produits ainsi que les méthodes d’élevage et de culture) et le respect de la saisonnalité. Au cours des discussions, Celia Tunc, la secrétaire générale du Collège Culinaire de France, a conseillé les catalogues de produits saisonniers pour les consommateurs, mais les a jugé inutilisables par les professionnels. En effet, la maturation des produits dépend en grande partie de la météo annuelle, des régions et des méthodes de travail de chaque exploitant. Seul un producteur saura réellement conseiller un chef sur ses produits. 

Cette incitation à la proximité a également poussé Celia Tunc à rappeler que le terme de "fournisseurs" n’était pas approprié pour désigner les producteurs : en effet, il y a une identité derrière chaque produit. Le délégué général du Collège Culinaire, Christian Regouby a ajouté à ce propos qu'il "n'y a pas de savoir-faire sans savoir-être et sans supplément d'âme". 

Qualité non normée et diversité

Selon Christian Regouby, le fait d’avoir visité une exploitation agricole et observé le travail de l’exploitant prévaut sur la multitude de labels existant aujourd’hui. 

Parmi les autres avantages relatifs à la proximité entre restaurateurs et producteurs, le délégué général a particulièrement insisté sur la diversité de produits qu’offrait ce type de relation en raison des critères de qualité non normés et formatés comme dans l’industrie agro-alimentaire. "La qualité, c’est la diversité et la qualité, c'est une chaîne de relations", assène-t-il. 

L'avenir de la gastronomie

Ces mots font suite à un triste constat : près de 80 % des restaurants travaillent avec des produits industriels en France aujourd’hui, selon Christian Regouby. C’est pourquoi, d'après lui, l’avenir de la gastronomie se joue "sur le terrain" et non pas dans Top Chef ou Le Meilleur Pâtissier

L’avenir de la gastronomie se trouve dans le petit resto perdu au fin fond de l’Ardèche. Christian Regouby

Après cette rencontre, les jeunes élèves, une fois devenus chefs, seront-ils prêts à faire la même démarche ? "Oui", nous a-t-on répondu à l’unanimité. Les jeunes élèves se disent prêts à prendre le temps de se déplacer, ainsi qu’à régulièrement changer leur carte pour respecter la saisonnalité propre à leurs producteurs attitrés.

En plus des avantages environnementaux que présente cette proximité, les futurs chefs la voient également comme "une plus-value qualitative", qui leur permettra de mieux répondre aux interrogations de leurs clients et de leur transmettre la passion des producteurs. Christian Regouby insiste : "La salle n’est pas un passeur de tables. C’est un conteur d’histoires." Il conclut en indiquant que "ce que manger veut dire est fondamental pour l’avenir de la planète".

La gastronomie a presque plus de pouvoir que le vote : elle agit sur la culture, la santé, et celle de la planète. Christian Regouby

©Mélodie Taberlet/ID