La nouvelle n’a pas pas fait la une. C’est pourtant une grande avancée pour les défenseurs de la liberté de semer et de la biodiversité. Il est enfin autorisé à quiconque de vendre des semences anciennes aux particuliers. C’est l’article 78 de la loi dite "Egalim" ("pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous"), votée le 2 octobre dernier, qui autorise cela. Ce petit article marque une victoire au sein de la longue guerre qui oppose les partisans de la liberté des semences aux industriels du secteur.
Agriculture industrielle contre biodiversité
Jusque là, les semences entièrement autorisées à la vente en France sont celles inscrites au catalogue du Groupement national interprofessionnel des semences et plants (GNIS). Les contraintes pour inscrire une variété dans ce catalogue sont telles que les principaux acteurs qui y parviennent sont les grands groupes semenciers (tels Monsanto, DuPont et Dow Chemical…). Ce catalogue représente donc une vision industrielle de l’agriculture, celle qui a fait disparaître, des champs et de nos assiettes, 90 % des variétés utilisées traditionnellement par les paysans.
Qu’en était-il des autres semences ? Celles qu’on appelle souvent "semences traditionnelles" les plus rares, celles qui incarnent la diversité des goûts, l’adaptation au terroir, la résistance au réchauffement climatique et une vision de l’agriculture alternative… Pour celles-là, avant la loi Egalim, l’échange entre particuliers était autorisé, ainsi que la seule vente directe. Il était donc possible de produire des semences non inscrites au GNIS et de les vendre à un jardinier amateur. Mais l’activité d’un acteur comme Kokopelli, qui regroupe un réseau de producteurs de graines et les revend, était illégale, ce qui lui a valu 15 ans de procès.
"Un grand pas en avant pour la biodiversité"
Avec cette loi Egalim, Kokopelli n’est plus hors la loi. Et d’autres acteurs comme lui vont pouvoir se développer en toute tranquillité. Il s’agit d’"un grand pas en avant pour la biodiversité", écrit l’avocate Blanche Magarinos-Rey sur son site. C’est elle qui se bat aux côtés de Kokopelli depuis des années et elle aussi qui s’acharne à faire évoluer la législation auprès de Bruxelles comme du Parlement français. Ces graines qui vont pouvoir désormais être librement vendues aux particuliers, sont les "milliers de variétés traditionnelles, écrit encore la juriste, appartenant au domaine public, qui nous ont été confisquées, depuis 1949, par une réglementation abusive, qui a fait la promotion de régimes d’appropriation privée et d’une agriculture aux productions standard et excessivement dépendante des produits chimiques. Il s’agit aussi de toutes les variétés nouvelles qui pourraient être élaborées par les amateurs de biodiversité souhaitant renouer avec l’alliance ancienne de l’Homme cultivateur avec la Nature."
Une brèche dans le système après l’autre
Cette brèche dans le système actuel s’ajoute à celle ouverte quelques mois plus tôt, en grande partie aussi grâce au travail de Blanche Magarinos-Rey. Depuis avril 2018, et l’adoption par le Parlement européen d’un nouveau règlement pour la production biologique, les agriculteurs bio, sont libres d’utiliser les semences traditionnelles non inscrites au catalogue du GNIS, moyennant une simple déclaration préalable. Les agriculteurs non bio, eux, n’ont pas ce privilège !
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