Ce mois de janvier 2025 donne du fil à retordre à certains propriétaires. En effet, depuis quelques jours, terminé, ils ne peuvent plus proposer pour un nouveau bail leur logement situé en France métropolitaine si le diagnostic de performance énergétique (DPE) correspond à la lettre G. Tout simplement parce que ces biens sont considérés comme étant trop énergivores. Ce sera également le cas des logements classés F à compter de 2028 et des logements classés E dès 2034.
ID a souhaité en savoir plus sur cette interdiction. Laetitia Caron, directrice générale du site PAP, nous répond.
Pouvez-vous nous préciser les conditions de cette interdiction ?
Ce qui est important de dire, c'est qu'elle concerne les nouveaux baux signés à partir du 1er janvier. Cela n'a pas d'impact sur les baux en cours. Il ne devient pas interdit depuis le 1er janvier de louer à son locataire quand celui-ci est en place.
Que doivent faire ces propriétaires si leur locataire s’en va ? Effectuer des travaux de rénovation énergétique ?
Pour les travaux de rénovation énergétique, c'est un peu plus complexe que ça, parce que dans la majeure partie des cas, ce sont des logements qui sont en copropriété et il y a un ensemble d'éléments sur lesquels vous n'avez pas la main seul.
Ce sur quoi vous avez la main quand vous êtes en copropriété, c'est par exemple de changer vos fenêtres, éventuellement. Et encore, il faut souvent que vous ayez l'accord de la copropriété pour les changer, sauf s'il y a déjà eu des accords antérieurement. Mais le fait de les changer, dans quasiment tous les cas, ne suffit pas pour réhausser la note énergétique d'un logement.
Il va falloir procéder à des travaux d'isolation des murs, des greniers, des charpentes, etc. Ça implique évidemment non seulement un accord de copropriété, mais aussi, dans la plupart des copropriétés, un plan pluriannuel de travaux. Parce qu'il faut les financer.
Il faut aussi trouver l'entreprise qui va pouvoir faire ces travaux. Ce n'est pas parce qu'on a le souhait ou le projet de le faire, que ça pourra être mis en œuvre du jour au lendemain.
Un propriétaire bailleur, s’il a fait des démarches et qu'il est bloqué par la copropriété ou si les travaux sont techniquement impossibles à réaliser (je pense à certains immeubles en pierre de taille que vous ne pouvez pas recouvrir à Paris ou dans certaines grandes villes par exemple), peut d’ailleurs ne pas pouvoir réaliser ses travaux. Ça, c’est une exception prévue.
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Aujourd’hui, il y a donc pas mal d’interrogations ?
On a pas mal de propriétaires en ligne et beaucoup ne s’opposent pas à cela. Ils comprennent les enjeux et la philosophie globale de cette loi. Mais ils sont souvent perdus par rapport à ce qu’ils doivent faire. Techniquement, c’est parfois compliqué. Ils peuvent être aussi perdus dans le dédale des aides.
Pour beaucoup d’entre eux aussi, cela coûte très cher. Il y a un enjeu économique parce que beaucoup de propriétaires ne peuvent pas forcément financer du jour au lendemain comme ça ces travaux.
Quand vous percevez 500 euros par mois de loyer et qu'il faut enclencher 30 à 40 000 euros de travaux, c'est énorme. Certains ne peuvent pas du tout."
Ils sont aussi perdus parce qu’il y a beaucoup de flou et d’atermoiements autour de tout cela. Début 2024 déjà, il y a eu une évolution du mode de calcul du DPE parce que l'État s'est rendu compte qu'il y avait un certain nombre de logements classés G, notamment des petites surfaces, pour lesquels le mode de calcul était pénalisant. Le mode de calcul a ainsi été revu et cela a réévalué la note de 140 000 logements. (...)
C’est très complexe et sans revenir sur cette loi, le gouvernement a évoqué le fait d’y apporter un certain nombre d'assouplissements.
Parce que tout le monde voit bien que le calendrier est quand même compliqué et personne n'a envie que 600 000 logements sortent du marché. Aujourd'hui il y a un vrai enjeu en face, ça ne va que renforcer la tension locative.
Mais il y a aussi un enjeu par rapport aux locataires parce que la conséquence d’un logement qui est une passoire thermique, c'est que la facture énergétique est élevée. Évidemment, c'est aussi important et souvent les propriétaires en sont eux-mêmes conscients.
Comment réagissent-ils actuellement ?
Certains mettent leur logement en vente, un peu découragés, soit parce qu’ils ne peuvent pas financer les travaux, soit parce qu’ils ne savent pas comment s’y prendre. D’autres attendent de voir.
Il y a des discussions très pratiques, très concrètes. Il faudrait rénover environ 700 000 logements par an, parce que là on parle des G, mais il va y avoir les F ! Et aujourd’hui, on en rénove à peu près 100 000..."
On appelle en tout cas tous les propriétaires dont les logements sont classés G, un par un, pour les informer clairement.
On leur donne aussi des conseils pratiques, notamment le fait d’avancer sur le sujet. On leur dit par exemple de mettre ce sujet à l’ordre du jour de la prochaine AG s’il ne l’est pas déjà. De commencer à budgéter ces travaux. Quand ils louent, on leur propose de prendre en charge une partie de la facture énergétique de leurs locataires.
Ces logements, quand ils sont mis à la vente, peuvent-ils représenter une opportunité d’investissement ?
C’est bien si on est investisseur et qu’on est conscient qu'on va avoir à engager des frais. Ça veut dire qu'on a la trésorerie pour le faire. Il ne faut pas investir en étant déjà au taquet de son budget. Il faut être aussi conscient que c'est quelque chose qui va s'étaler probablement sur plusieurs années.
C’est vrai que ce sont souvent des logements décotés, selon les villes, selon les secteurs. Quand vous êtes sur des villes très recherchées, comme les grandes villes, que ce soit Paris ou d'autres grandes villes de région, sur des petites surfaces, la décote est entre 10 et 15 %. Sur des secteurs un peu moins tendus on va être plutôt sur du 15 à 20 %. Donc, ça peut être intéressant, notamment pour une occupation personnelle.
Là on n'est pas obligé de faire les travaux. Quand on achète pour soi, finalement, on est libre, parce que cette obligation s'impose aujourd'hui à la location, pas à l'occupation. (...)
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Certains propriétaires de logements classés G vont donc avoir besoin soit d’assouplissements, soit d’aides...
Oui, d’autant qu’en 2028, on aura aussi les logements F. Et les logements F et G, c’est plus de 2 millions de biens à l’échelle du territoire qui sont concernés.
Tout le monde comprend la direction qui est prise. Tout le monde comprend l’importance de mieux isoler les logements parce que ce sont des déperditions importantes et il y a des enjeux écologiques importants."
Le problème, c’est le calendrier qui n’est pas tout à fait réaliste pour toutes les raisons évoquées. On n’a même pas les entreprises suffisantes en face pour faire les travaux.
Aujourd'hui, vous avez le sentiment que les locataires vont vraiment regarder ce DPE en priorité ? Ou est-ce que finalement c'est quand même toujours le prix qui compte ?
Dans la plupart des cas, dans toutes les grandes agglomérations en tout cas, le premier sujet est de trouver un logement. Donc le loyer évidemment est important d'abord pour des raisons de réalisme, mais le premier enjeu est de trouver un logement.
Ils sont quand même sensibles à cette question du DPE, elle a d’ailleurs un impact sur leur budget. (...)
Que se passe-t-il pour les propriétaires qui n’obéiront pas à cette interdiction ? Ils auront une amende ?
Il n’y aura pas de vérification automatique mais le locataire est en droit de saisir un juge.