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Défi rien de neuf : "Nous consommons beaucoup trop de ressources par rapport à ce que la planète peut offrir"

N’acheter aucun objet neuf en 2019. Voilà l’objet du défi lancé à nouveau par Zero Waste France, l’association que dirige Flore Berlingen.

Début 2018, Zero Waste France lançait la première édition du défi "Rien de neuf". L’objectif : n’acheter aucun objet neuf (hors cosmétiques ou alimentation notamment) – jusqu’à la fin de l’année et privilégier les alternatives telles que l’emprunt, la location, l’achat d’occasion ou la réparation. L’association renouvelle ce défi en 2019. A cette occasion, ID s’est entretenu avec Flore Berlingen, la directrice de Zero Waste France.

Quel est le bilan du défi "Rien de neuf" de 2018 ?

En 2018, nous avons réuni 15 000 personnes, sur l’ensemble de l’année. Nous avons recueilli pas mal de retours des participants. Pour une grande partie d’entre eux, le défi a été relativement facile d’un point de vue pratique. Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait plus de difficultés dans la communication, avec ses proches ou sa famille, afin d’arriver à faire passer certaines idées, comme le fait de ne pas vouloir recevoir ou offrir des cadeaux neufs. Donc les obstacles face à ce choix de consommation un peu différent sont plutôt psychologiques ou sociologiques que pratiques.

Vous attendiez-vous à un tel succès en 2018 ?

Non, parce qu’il s’agissait d’une expérimentation. Je me souviens qu’au départ on espérait qu’il y aurait au moins une petite centaine de participants et finalement il y en a eu 15 000, ce qui était donc plutôt une bonne surprise. On craignait que cela paraisse très radical ou extrême aux yeux des gens. Mais ils comprennent bien que le principe du défi est surtout, à chaque fois que l’on achète un objet, de se poser la question de savoir s’il existe une autre alternative. Cela n’implique pas de sacrifice en termes de confort ou de qualité de vie parce que les alternatives sont déjà là en général. Parfois, on met un peu de temps à les trouver, parfois cela demande un peu plus d’organisation, mais globalement ce n’est pas insurmontable.

Le message du défi qui consiste à ne rien acheter de neuf n’est-il pas effectivement un peu radical ?

C’est radical parce que le constat est grave. Nous consommons beaucoup trop de ressources par rapport à ce que la planète peut offrir. Si nous voulons revenir à une quantité de ressources consommées soutenable et généralisable dans l’ensemble du monde, il faut réduire notre consommation de manière drastique. L’ordre de grandeur est que nous consommons trois à quatre fois plus que ce que la planète peut nous offrir. Est-ce que cela veut dire qu’il faut que l’on possède trois à quatre fois moins de choses, ou qu’il faut réfléchir à un mode de consommation alternatif, en utilisant des objets déjà en circulation plutôt que des objets neufs qui supposent une extraction de ressources ? La réponse que l’on propose me semble moins radicale que celle de tout diviser par quatre. De plus, le fait de ne pas consommer neuf a un effet levier. Derrière chaque objet que l’on n’achète pas neuf, la quantité de ressources économisée est parfois 10 ou 100 fois supérieure. Ce n’est pas 10 kg de ressources que l’on économise quand on récupère un micro-ondes au lieu d’en acheter un neuf. C’est deux tonnes. On appelle cela le sac à dos écologique ou le bilan matière. Derrière un objet neuf, il n’y a pas seulement la quantité de matière que l’on voit. C’est l’image de l’iceberg, ce que l’on voit – les objets qui nous entourent – correspond à la face émergée. Ce que l’on ne voit pas, c’est la quantité de matière consommée lors du processus de production. Nous nous sommes basés sur les chiffres de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) pour construire l’outil de suivi permettant aux participants de chiffrer la quantité de ressources économisée grâce à leurs efforts (cet outil a été mis en place pour le défi 2019 et peut se trouver sur le site internet du défi – ndlr). L’ADEME a calculé la quantité totale de ressources mobilisée pour 45 objets de la vie quotidienne. Le calcul est fait "From Cradle to Gate" c’est-à-dire du "berceau" - depuis l’extraction des matières premières - jusqu’à l’arrivée en magasin.

Hormis ce nouvel outil de calcul, quelles sont les autres nouveautés du défi en 2019 ?

Il y a un nouveau site internet, qui propose cet outil de suivi, avec un espace participant et un répertoire des alternatives, plus complet que celui de l’an dernier. Il peut être complété par les participants et la recherche peut être faite par filtres : par type d’objet, par type de solution (occasion, location, prêt, réparation…) et on peut également effectuer des recherches avec un filtre géographique, ce qui permet d’ajouter des solutions locales. Le but est de rendre les solutions accessibles à tous les participants et également aux curieux qui se rendent sur le site sans pour autant s’inscrire au défi. On va également organiser des événements dans toute la France.

Lors du défi 2018, avez-vous personnellement réussi à ne rien acheter de neuf sans faire d’écart ?

Non, je ne suis pas à zéro objet neuf acheté en 2018, mais le nombre d’objets que j’ai évité d’acheter neufs est malgré tout considérable. A titre personnel, il y a des choses que j’ai achetées neuves soit parce que je n’ai pas trouvé de solution – cela peut arriver pour certaines catégories d’objets - ce qui revient souvent ce sont les sous-vêtements que l’on ne trouve pas ou que l’on n’a pas envie d’acheter d’occasion. Parfois, on choisit d’acheter neuf parce que l’on a des besoins spécifiques et qu’il vaut mieux acheter un objet neuf que l’on va utiliser pendant plusieurs années plutôt qu’un objet qui convient à moitié et qui sera plus souvent renouvelé. Un dernier cas qui revient souvent et me concerne personnellement est celui dans lequel j’ai envie de soutenir un fabricant, créateur ou artisan local dont je sais qu’il produit de manière responsable. Pour moi, c’est même tout à fait compatible avec le défi. Le principe est de ne rien acheter neuf pour pouvoir réduire son impact environnemental et social. Donc cela reste cohérent si l’on arrive à trouver des solutions de consommation qui sont compatibles avec cet objectif.

Qu’est-ce que vous conseilleriez à quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans le défi cette année ?

Je conseillerais d’en parler autour de soi. Même si ce n’est pas facile, c’est dans les discussions avec son entourage ou avec d’autres participants que l’on trouve les solutions qu’on n’avait pas trouvées soi-même. Il y a notamment un groupe Facebook qui permet d’échanger. L’autre conseil est d’aborder le défi comme une occasion de découvertes, et non comme une contrainte. Cela peut permettre de découvrir des alternatives qu’on ne connaissait pas – par exemple Recyclivre, qui propose des livres d’occasion mais a également une dimension sociale. Derrière ces alternatives, il y a des projets et des porteurs de projet qui font des choses chouettes un peu partout en France. Il ne faut surtout pas hésiter à partager autour de soi les bénéfices collatéraux du défi.