Le terme "anthropocène", dérivé du grec ancien anthropos, "être humain", et kainos, "nouveau" émerge au début des années 1990 pour indiquer que l'impact des activités humaines sur le système terrestre est dominant. En 2000, lors d'une conférence, le prix Nobel Paul Crutzen estime que nous avions quitté l'Holocène pour l'Anthropocène. En 2019, la Commission Internationale de Stratigraphie (ICS) vote la nécessité et pertinence de parler d'une nouvelle ère géologique.
Gilles Escarguel, paléontologue et macroécologue à l'Université Lyon 1 s'intéresse aux variations géographiques et temporelles de la biodiversité au cours des temps géologiques. Il explique les enjeux qu'englobe cette nouvelle période de l'Histoire de la Terre.
L'humanité comme principale force de changements
L'Anthropocène constitue une période géologique caractérisée par l'avènement des hommes comme principale force de changements sur Terre, surpassant les forces géophysiques naturelles. Gilles Escarguel développe : "Par nos présences et activités, on perturbe profondément des cycles et flux de matières à la surface et on modifie le fonctionnement de la biosphère."
Un changement d'étage géologique correspond nécessairement à une modification environnementale majeure qui se traduit dans la composition physico-chimique et biologique des sédiments. "C'est le seul critère utilisé pour définir l'entrée dans une ère géologique."
Si l'Anthropocène est au départ uniquement un concept mobilisé par la géologie, il illustre la crise écologique actuelle et le réchauffement climatique. "L'augmentation de la concentration de CO2 dans la biosphère n'est aucunement naturelle. Il a une signature chimique particulière, différente de ce qui était présent initialement et cette transformation du carbone est parfaitement proportionnelle à la combustion d'énergies fossiles."
Quels symptômes de l'Anthropocène ?
L'exploitation de ressources et d'énergie à l'origine de la croissance économique depuis 1945 affectent profondément le fonctionnement du système Terre. Les forçages anthropiques ont été diffus dans les écosystèmes : la composition de l'atmosphère altérée, les comportements des animaux et végétaux perturbés, la physico-chimie des océans et sols modifiée par les microplastiques et substances chimiques.
Plus anecdotique certes, mais lorsque la France gagne la Coupe du Monde 2018, les sismographes du territoire enregistrent des tremblements de terre ressentis par la faune et la flore. De petits séismes uniquement provoqués par les liesses humaines surgissant partout dans l'Hexagone.
Le lac Crawford, incarnation de l'entrée dans l'Anthropocène en 1950
Pour estimer l'année d'entrée dans l'Anthropocène, un groupe de travail de géologues de l'ICS a retenu le 11 juillet dernier la zone de coupe de sédiments effectuée au lac Crawford, au Canada. Les strates noires et blanches des sédiments, correspondant aux étés et hivers, ont permis de constater et dater les premiers changements de composition du sol liés à l'activité humaine.
En attribuant l'entrée dans l'Anthropocène à 1950, l'on considère qu'elle est le résultat d'une dynamique socio-économique "extractivisite, consumériste et productiviste". Une date de référence seulement puisque le passage à une nouvelle ère n'est pas instantané. Au sein de la communauté scientifique même, certains considèrent qu'il relève plus d'une transition que d'un âge géologique.
Une notion qui dépasse la science
Reconnaître le passage à l'Anthropocène c'est considérer que le système physique, chimique et biologique de la Terre a été drastiquement altéré par l'Homme. Il englobe toutefois plus de disciplines et réflexions que la géologie. "Le mot anthropocène a acquis un statut particulier. Le concept échappe aux géologues. Historiens, philosophes, sociologues, anthropologues, artistes et d'autres communautés intellectuelles réfléchissent à cette notion avec leurs outils et problématiques", observe Gilles Escarguel.
Plus encore, l'Anthropocène embrasse une dimension sociétale. "Une question philosophique en découle : "Comment construire un avenir dans lequel nous trouvons notre bonheur autrement que dans la consommation des ressources et la richesse ?" C'est une question qui se pose aux citoyens, pas particulièrement aux géologues", exprime Gilles Escarguel. Parce qu'il résonne avec dérèglement climatique et activités humaines, le passage à cette ère interroge nos modes de vie.
Les travaux des scientifiques doivent encore être validés par l'ensemble de l'ICS puis par l'Union Internationale des Sciences Géologiques (UISG).
Vous avez apprécié cette information ? Abonnez-vous à notre newsletter en cliquant ici !
Pour aller plus loin et agir à votre échelle, découvrez notre guide Idées Pratiques #9 : Comment vivre presque sans plastique ?
Au sommaire : état des lieux de la place du pla
stique dans nos vies, conséquences sur l'Homme et l'environnement, solutions pour s'en débarrasser... 68 pages de solutions pour passer à l'action.
Cliquez ici pour découvrir et commander votre guide Idées Pratiques.
#TousActeurs
