Un consortium de scientifiques révèle dans une étude que la disparition des forêts tropicales il y a des millions d’années a entrainé un réchauffement climatique long et intense.
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Climat

Pourquoi la disparition des forêts tropicales serait irréversible pour le climat

Alors que les effets du dérèglement climatique se font de plus en plus ressentir, un consortium de scientifiques révèle dans une étude que la disparition des forêts tropicales il y a des millions d’années a entrainé un réchauffement climatique long et intense. 

Selon une étude menée conjointement par des chercheurs britanniques et chinois, la disparition des forêts tropicales il y a plusieurs millions d'années aurait engendré un réchauffement climatique "prolongé" en raison de gaz à effet de serre qui auraient stagné dans l’atmosphère. 

Pour en arriver à ces conclusions, les chercheurs ont étudié des fossiles datant de l’époque du Permien-Trias. Cette période géologique est caractérisée par un "stress environnemental et biologique intense", selon l’étude. Ceci explique l’intérêt que lui portent les chercheurs. En effet, elle partage plusieurs similarités avec l’époque climatique actuelle. 

Les leçons de la "Grande Mort"

Il y a 252 millions d’années, sur un laps de temps d’environ 50 à 500 ans, 89 % des espèces terrestres se sont éteintes à cause d’un réchauffement de la planète, provoqué par de fortes émissions de gaz à effet de serre. Cette période, souvent appelée la "Grande Mort", est aujourd’hui considérée comme la plus vaste extinction de masse de la Terre.

Contrairement à aujourd’hui, ces gaz n'étaient pas le résultat d’activités humaines mais de fumée libérée par un volcan sibérien. Toutefois, les chercheurs espèrent tirer les leçons du passé. 

Parmi les espèces éteintes, les scientifiques ont remarqué que la masse mondiale de forêts tropicales a fortement diminué. A posteriori, les scientifiques constatent qu’elle a subi "une reprise retardée", signifiant que pendant plusieurs milliers d’années, les forêts tropicales ont peiné à repousser. Or, ces espaces forestiers sont de vrais poumons pour la planète grâce à leurs fortes capacités d’absorption du CO₂. 

Par conséquent, la période qui a suivi l’extinction du Permien-Trias a été marquée par une importante concentration de CO₂ dans l’air. Les chercheurs affirment que ce "changement dans le système terrestre aurait conduit le cycle climat-carbone à se stabiliser à une température globale bien plus élevée pendant plusieurs millions d’années". C’est ce qu’ils appellent l'"état stable de température élevée". 

Dans l’étude, le consortium de chercheurs explique ne pas être parvenu à définir précisément la hausse de ces températures. Ils précisent cependant que la chaleur était si "extrême" qu’elle en était "létale" pour la plupart des espèces animales et végétales. 

Une histoire du climat en "points de bascule"

Plusieurs facteurs ont été identifiés par les chercheurs pour expliquer de telles disparitions dans la faune et la flore tropicales. "Un stress thermique intensifié par El Niño et une aridité saisonnière […] ont probablement constitué le principal moteur des extinctions terrestres", indique l’étude. 

"Ces conditions ont persisté pendant près de cinq millions d’années, et le refroidissement n’a été atteint qu’à partir du moment où la productivité végétale a commencé à augmenter", ajoutent les scientifiques.

Dans un article publié par la faculté de l’Environnement de l’université de Leeds, ces derniers estiment que leur étude "renforce l’idée qu’il existe des points de bascule climatique". Une fois ces points atteints, le réchauffement planétaire serait "amplifié".

En plus des fossiles, les chercheurs se sont également appuyés sur des plantes actuelles pour effectuer leurs analyses. Des écosystèmes modernes ont aussi été intégrés à l’étude, comme les forêts tropicales brésiliennes ou certaines régions chinoises. Ces rapprochements avec le présent, alors que nos sociétés traversent une période intense de dérèglement climatique, permettent d’envisager les conséquences à long terme de ces perturbations. 

Un des chercheurs, Benjamin Mills, affirme même qu’il "y a ici un avertissement concernant l’importance des forêts tropicales actuelles de la planète. Si un réchauffement rapide devait provoquer leur effondrement de manière similaire, alors il ne faudrait pas s’attendre à ce que le climat revienne aux niveaux préindustriels, même si nous cessons d’émettre du CO₂."