Alors que la France prévoit de tester quatre ou cinq projets de stockage de CO2, en priorité dans d’anciens gisements pétroliers du pays ou en fin de vie, dès début 2025, la Commission européenne a rappelé en février dernier la nécessité de développer les activités de capture et de stockage du carbone afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.
Même son de cloche du côté du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), qui dès 2023 avait qualifié, dans son évaluation des trajectoires permettant d’atteindre des émissions mondiales net zéro de CO2, cette technologie comme "une option permettant de réduire les émissions provenant de grands systèmes industriels ou énergétiques ayant recours aux énergies fossiles". Selon les projections de 2023 de l'Agence internationale de l’énergie (AIE), la capture et le stockage de carbone permettrait de réduire d’environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) à horizon 2050.
Un levier de décarbonation
Présenté comme un levier de décarbonation, la capture, l’utilisation et le stockage de dioxyde de carbone (CCUS) consiste, comme son nom l’indique, à "capturer le CO2 généré par les processus de production, à l’utiliser et à le stocker de manière permanente, généralement sous terre”, relève l’ADEME. Mais comment cela fonctionne-t-il concrètement ?
Pour capter le carbone, il existe trois méthodes : la post-combustion, qui permet de capturer le carbone des fumées émises par la combustion ; la pré-combustion, qui consiste à extraire le CO2 des combustibles avant qu’ils ne brûlent ; et l’oxycombustion, qui utilise de l’oxygène pur, au lieu de l’air, dans le procédé de combustion.
Une fois capté, le CO2 est liquéfié puis transporté vers un lieu de stockage par canalisation, train, bateau ou camion. Il est ensuite stocké dans des structures souterraines qui sont généralement situées à plus de "800 mètres de profondeur : des aquilifères salins profonds (des couches de roches poreuses et perméables gorgées d’eau salée non potable), des gisements pétroliers et gaziers épuisés ou encore des roches magmatiques (basaltes, péridotite...)", comme l’explique Florent Guillou, ingénieur process design à IFP énergies nouvelles, dans un article publié le 13 mai dernier dans CNRS Journal.
Remède ou mirage ?
Après l’étape de stockage, le CO2 peut être valorisé et utilisé pour produire des carburants synthétiques, des produits chimiques ou encore des matériaux de construction (béton...).
Si ce dispositif est aujourd’hui brandi comme une solution pour lutter contre le réchauffement climatique, il fait aussi l’objet de débats. De nombreux experts craignent notamment que le CCUS soit utilisé comme "substitut" aux réductions des rejets de CO2.
Ces techniques ont été pensées pour venir compenser les émissions excédentaires, c’est-à-dire celles qu’on n’arriverait pas à diminuer en changeant de source d’énergie”, analysait Sofia Kabbej, chercheuse spécialiste des questions mêlant climat, énergie et sécurité à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques) dans une interview relayée par l’AFP le 12 mai dernier.
Elle ajoutait : "L’idée était de venir capter et stocker le CO2 de secteurs aux émissions incompressibles, comme l’aluminium. Mais ce vers quoi on semble se diriger, c’est un paradigme où le développement de ces techniques n’est pas associé à une atténuation des émissions suffisantes. On vient donc se reposer beaucoup trop sur leur potentiel alors qu’elles ne sont souvent qu’à l’état de projets pilotes."
Parmi les autres limites soulevées : le fait que les usines de captage et de stockage puissent émettre des émissions supplémentaires, de par leur fonctionnement très énergivore. Ces procédés nécessitent également de grandes quantités d’eau - ressource qui se fait de plus en plus rare aux quatre coins du monde.
Pour aller plus loin : "La transition écologique Made in France"