Bloom qualifie le chalutage de technique de pêche “destructrice pour la biodiversité, le climat et la justice sociale”.
©Richard Mcall/Pixabay
Biodiversité

Un nouveau radar qui a le chalutage dans le viseur !

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Une ONG souhaite montrer par des données concrètes que la protection des aires marines à la française est une “imposture” et lance son radar du chalutage. 

Du chalutage de fond dans des aires marines protégées en France... Alors que la Conférence des Nations Unies sur l’océan sera accueillie par la France dans cinq mois, Bloom, ONG qui lutte contre la destruction de l’océan, du climat et des pêcheurs artisans, et dont Claire Nouvian est la fondatrice et la directrice, lance son radar du chalutage.  

Et souhaite ainsi rendre compte factuellement du “passage incessant” de ce que l’association qualifie de “bulldozers des mers”, “qui raclent les fonds à l’aide de filets lestés, détruisent les écosystèmes sur leur passage et anéantissent le puits de carbone océanique en libérant le carbone emprisonné dans les sédiments marins”.  

Que reproche concrètement l’ONG à la France ? 

Le fait que le chalutage, technique de pêche qu’elle qualifie de “destructrice pour la biodiversité, le climat et la justice sociale”, se déroule aujourd’hui “avec la bénédiction de l’État, qui l'autorise dans les aires marines dites ‘protégées’”. 

Bloom met en avant l’urgence de l’interdire dans les aires marines protégées, arguant du fait qu’une aire marine véritablement protégée doit permettre la protection et la restauration des écosystèmes marins.  

“Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, une aire marine ne peut être considérée comme 'protégée' que si elle interdit toute activité ou infrastructure industrielle, dont la pêche industrielle et le chalutage de fond”, cite Bloom.

Or l'ONG assure, sources à l’appui, que le chalutage de fond “a des impacts massifs sur les écosystèmes, qui sont pulvérisés par le passage de filets lestés, mais aussi sur le climat, ces engins perturbant les sédiments qui sont pourtant des puits de carbone essentiels”. 

Bloom avait déjà lancé une campagne sur la protection des aires marines protégées il y a plus de deux ans afin d’alerter l’opinion publique et pour que le gouvernement et les parlementaires se saisissent de cet enjeu. Maintenant que la Conférence des Nations Unies sur l’océan se rapproche, elle met en avant son radar. 

Celui-ci estime depuis le 1er janvier dernier la surface raclée en kilomètres carrés par les chalutiers de fond opérant dans les aires marines protégées de France métropolitaine, sur la base des données publiées par la plateforme Global Fishing Watch. On peut consulter les données de ce radar sur la page d’accueil de Bloom (à date de publication de l’article, il faut attendre quelques jours pour que les données soient mises à jour). 

Mais alors, quel est le cadre entourant ces aires maritimes protégées ? 

“L’objectif français européen et international est de protéger 30 % de nos eaux, rappelle Swann Bommier, responsable du plaidoyer chez Bloom. L'objectif a été inscrit lors de la COP15 de 2022 à Montréal (ndlr : accord de Kunming-Montréal). Chaque État doit participer à cet objectif en protégeant 30 % de ses eaux. L’Europe s’était déjà fixé cet objectif dès 2020 dans sa stratégie pour la biodiversité à l’horizon 2030.”  

Il souligne que la France avait d’ailleurs déjà retranscrit cet objectif dans son droit national, précisément dans sa stratégie de biodiversité. Selon lui, la seule différence entre l’UE et la France est que l’UE avait prévu de protéger 30 % d’aires marines dont un tiers sous protection stricte, des zones dans lesquelles on interdit toute activité à impact, toute la pêche. Il explique que la France a retranscrit cela par un tiers de protection forte.  

Et c’est un autre reproche que lui fait l’ONG.  

“On avait attaqué ce décret sur la protection forte parce que c’était selon nous une coquille vide”, rappelle-t-il. Il pointe qu’en France, on assure déjà que le pays protège 30 % de ses eaux. Pour Bloom, c’est là qu’est l’imposture. “Ce sont ce que les scientifiques appellent “des aires marines de papier”, remarque Swann Bommier.  

L’ONG cite dans un rapport le chercheur Joachim Claudet, directeur de recherche au CNRS qui a quantifié le pourcentage de véritables aires marines protégées en France par rapport aux 30 % de protection revendiqués par le gouvernement. Ses conclusions : en France métropolitaine, moins de 0,1 % des eaux seraient réellement protégées des activités industrielles et s’inscrivent dans une logique de protection stricte.  

L’avis de l’ONG est que la France gonfle ses chiffres "en allant protéger les terres australes, là où il n’y a quasiment aucune activité”. “C’est en France métropolitaine que le lobby du chalut et la pêche industrielle est le plus développé”, assure le responsable de plaidoyer.  

En résumé, aujourd’hui, selon Les Échos, “le bras de fer entre les associations de défense de la mer et les pêcheurs va croissant car l'encadrement de la pêche au chalut dans les zones dites ‘protégées’ reste juridiquement flou et très disparate selon les pays”. 

C’est dans ce contexte juridique complexe et les chiffres qui s’opposent que Bloom souhaite en tout cas marquer les esprits, rappelant au passage que l’année 2025 a été décrétée “Année de la Mer” par le président de la République.