Un requin-bouledogue au large de Jupiter, en Floride, le 12 février 2022.
© Joseph Prezioso/AFP
Biodiversité

Pourquoi les requins sont-ils en voie d’extinction ?

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Alors que les requins jouent un rôle essentiel dans les océans, certaines espèces sont aujourd’hui menacées de disparition. Eclairage avec Armelle Jung, biologiste et cheffe de projet à Des requins et des hommes, une association internationale dédiée à l’étude et à la conservation des requins. 

Requin blanc, requin-bouledogue, requin pèlerin, requin-baleine, grande roussette, petite roussette...plus de 450 espèces de squales peuplent nos océans. Présents depuis plus de 400 millions d’années sur Terre, ces prédateurs ont longtemps été dépeints comme des "monstres sanguinaires", avides de chair humaine. Cette image, qui leur colle à la peau, éclipse une tout autre réalité. Au sommet de la chaîne alimentaire, les requins jouent notamment un rôle écologique crucial dans leur habitat. En se nourrissant essentiellement de poissons malades ou affaiblis, ils permettent d'éviter la propagation de maladies et favorisent la reproduction d’espèces "fortes". Régulateurs de l’écosystème marin, ce sont aussi de précieux alliés du climat. Ils stockent entre 10 à 15 % de carbone dans leur chair.  

Essentiels pour la vie sous-marine, certains de ces poissons cartilagineux se trouvent aujourd’hui en danger. Selon un rapport publié en 2021 par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), 37 % des espèces de raies et requins sont considérées comme menacées, soit 50 % de plus qu’en 2014. En cause notamment : la pêche commerciale. Selon l’Ifaw, le fonds international pour la protection des animaux, "100 millions de requins sont tués chaque année" à cause de cette pratique. Pour en savoir plus, ID a interrogé Armelle Jung, biologiste et cheffe de projet à Des requins et des hommes, une association internationale dédiée à l’étude et à la conservation des requins. 

La pratique du finning (pêche aux ailerons) constitue l’une des principales menaces pour les populations de requins. De quoi s’agit-il ? 

Le finning consiste à capturer des requins pour leur couper les ailerons avant de relâcher le reste du corps à la mer. En résumé, on abat un baobab et on mange trois fruits. Si cette pratique est interdite depuis 2013 au sein de l’UE, elle reste développée en Asie. En Afrique de l’Ouest, certaines flottilles pêchent également les requins pour les vendre dans les pays d’Afrique centrale. Les ailerons sont gardés et transférés en mer par des pêcheurs sur certains bateaux, notamment espagnols. Les bateaux étrangers ne rentrent pas dans les eaux territoriales du pays. Ce ne sont pas eux qui pratiquent la pêche mais ils vont être les vecteurs de ce commerce-là.  

Les palangriers espagnols collectent donc les ailerons par transbordement auprès des pêcheurs, essentiellement sénégalais et ghanéens. Ils vont ensuite les transférer à des bateaux de ravitaillement, ou bien les compacter à Vigo en Espagne où ils sont expédiés sous forme de containers vers l’Asie. Dans les pays asiatiques, les soupes d’ailerons de requins constituent un met de choix. De plus en plus d’ONG tentent toutefois de sensibiliser les populations sur les méfaits du finning et du commerce des ailerons. 

Un rapport d’Ifaw, le fonds international pour la protection des animaux, indique que l’UE aurait fourni 45 % des ailerons de requins en 2020. Selon vous, faut-il un nouveau règlement européen ? 

Il y a en ce moment une campagne citoyenne européenne qui réclame l’interdiction en Europe de tout commerce d’ailerons. Mais on ne va le stopper d’un coup de baguette magique. C’est illusoire. Il faut gravir la montagne par plusieurs côtés. Une réglementation, si elle est bien amenée, bien pensée, peut avoir des effets bénéfiques. Mais elle doit être accompagnée d’autres mesures. 

Que préconisez-vous au sein de votre association ? 

Notre approche chez "Des requins et des hommes", c’est d’accompagner les pêcheurs pour les sensibiliser et les convaincre du bienfondé de relâcher les animaux. Nous essayons de trouver des solutions auprès des communautés de pêcheurs, en les informant et en apprenant à leurs côtés. Certains savent notamment comment limiter les captures accidentelles, en évitant le recours à certains engins ou en se détournant de certaines zones selon les périodes.  

Pour lutter contre la surpêche, la conférence sur le commerce international des espèces menacées a décidé de protéger 54 espèces de requins qui sont désormais inscrites à l’Annexe II de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction). Selon vous, est-ce une avancée majeure pour la préservation des requins ? 

C’est le signe que la communauté internationale prend en compte ce problème. C’est donc positif. Mais je suis toujours dubitative sur l’inscription à la Cites, notamment pour des espèces commerciales. Encore une fois, que va-t-on faire de toutes ces espèces capturées ? La Cites régule par ailleurs uniquement le commerce international. Cela signifie que si ces espèces sont pêchées, par exemple au large de la Sierra Leone, puis débarquées et vendues dans ce pays, cela ne posera pas de problèmes.  

Hormis la pêche, quelles autres menaces pèsent sur les requins ?  

Il y a la dégradation des habitats, surtout pour les espèces qui résident près des côtes. Beaucoup d’espèces pélagiques, qui vivent au grand large, reviennent aussi dans des zones côtières pour mettre bas. Mais aujourd'hui, sous l’effet des constructions, des intrants de pesticides, de traitements issus de l’agriculture ou encore de l’érosion côtière, cet environnement se détériore. Cette dégradation entraîne une diminution des chances de reproduction pour ces espèces. L’exploitation des grands fonds marins et l’acidification des océans posent également problème, sans oublier le développement de l’éolien côtier. La connexion à terre de l’énergie produite, qui va passer par des systèmes enfouis de réseaux de câbles, peut aussi avoir des effets sur des espèces que l’on dit “électrosensibles”. Cela pourra impacter leur déplacement, leur migration, peut-être même leur comportement.

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