Des milliers de méduses échouées sur les plages. C’est ce qu’ont pu constater les promeneurs sur les côtes bretonnes et méditerranéennes ces derniers jours. Un phénomène courant à cette période de l’année, quand les quantités importantes de plancton attirent ces animaux gélatineux. Les méduses sont des créatures encore mal connues. Apparues sur Terre il y a environ 650 millions d’années, elles ont très peu évolué depuis et ont survécu à toutes les extinctions massives. Dépourvues de squelette, de coeur et de cerveau, elles sont en revanche dotées d’un système de défense efficace : leurs tentacules urticants, redoutés des baigneurs. Mais si les méduses ont mauvaise presse, parfois à juste titre, elles n’en sont pas moins utiles pour les humains et l’environnement.
Le principal inconvénient des méduses, c’est leur prolifération. Un phénomène accentué par le changement climatique et le réchauffement des eaux, qui entraîne une multiplication importante, notamment en Méditerranée. Mais aussi par la surpêche. "Les méduses, avec la disparition de leurs prédateurs comme le thon, prolifèrent d’autant plus vite que leur nourriture, plancton et micro-organismes, est plus abondante", explique à Ouest-France Dominique Barthélémy, conservateur chargé du milieu vivant à Océanopolis, à Brest.
"La goutte d’eau qui fait déborder le vase"
Combinée à la surpêche, la prolifération des méduses peut avoir un impact néfaste sur la biodiversité marine. Selon un rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), elles pourraient "être la goutte d'eau qui fait déborder le vase", notamment parce qu’elles se nourrissent de larves de poissons et de juvéniles, ce qui "réduit encore la résilience des populations halieutiques déjà frappées par la surpêche".
De manière plus anecdotique, la prolifération de ces animaux peut aussi entraîner une augmentation des piqûres lors de la baignade. La plupart des méduses sont sans danger pour l’Homme, bien que leurs piqûres puissent être très douloureuses. Toutefois, certaines sont beaucoup moins inoffensives. C’est notamment le cas de la cuboméduse australienne, aussi appelée "guêpe de mer" ou "main de la mort". Comme le rapporte Geo, "son venin peut tuer un humain en seulement quelques minutes".
Les méduses jouent cependant un rôle important dans l’écosystème marin. Pendant longtemps, les scientifiques ont pensé que seul un nombre restreint d’animaux marins les consommaient car elles étaient trop peu nourrissantes. Mais des chercheurs du Centre d’écologie de l’Université Deakin en Australie et de l’Université de Cork en Irlande ont démontré dans une étude parue en 2018 qu’elles avaient une vraie place dans la chaîne alimentaire. Car elles sont malgré tout pourvues de certains éléments nutritifs, comme du collagène ou des lipides et, surtout, elles sont faciles à attraper et à digérer. Comme l’indique Sciences et Avenir, "la faible teneur en élément nutritif serait ainsi compensée par une moindre dépense énergétique consacrée à la chasse et la vitesse d’élimination".
"Une saveur iodée, un peu comme les huîtres"
Elles présentent également de nombreux bénéfices pour les humains. Certains les collectent sur les littoraux, dans le but de "les envoyer à un laboratoire qui extrait le collagène de leurs ombrelles pour l’utiliser dans des cosmétiques ou pour réparer les peaux brûlées", explique à Reporterre Clément Larrouy. D’autres les utilisent comme engrais, comme la classe de lycéens d’Anne-Charlotte Carsalade d’Ornano, qui a mis au point un produit à base de méduse séchée permettant de garder l’humidité des sols. D’autres encore, les cuisinent. C’est le cas de Manuel Marchioretti, docteur en biologie, qui a essayé plusieurs recettes, dont des beignets. "Ça a une saveur iodée, un peu comme les huîtres, avec un verre de rosé ça passe très bien", explique-t-il, toujours à Reporterre. Mais s’ils sont courants en Asie, les aliments à base de méduse sont pour le moment interdits en Europe.
La notion d'espèce nuisible et utile est généralement caduque car il s'agit d'une vision très anthropocentrée du vivant, nuisible et utile se définissant alors par rapport à l'espèce humaine. Toucher une méduse peut être très urticant en effet, mais les méduses sont bien inoffensives par ailleurs. Elles ont leur place dans l’écosystème".
Et le mucus de méduse pourrait même constituer un filtre naturel qui débarrasserait les eaux des nanoparticules issues des rejets humains de crème solaire, cosmétiques, composants électroniques ou médicaments. C’est ce qu’ont découvert des chercheurs de l’Inserm, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. "Ce mucus est composé d’un réseau très dense de molécules de type oligosaccharides et peptines, qui piège les nanoparticules et les retient. Elles s’y agrègent, se précipitent et il est alors possible de les récupérer", explique Philippe Barthélémy, le responsable de ces travaux, dans un communiqué.
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Il ne faut cependant pas oublier que les méduses font partie du vivant, au même titre que tous les autres organismes. Et leur existence ne doit pas être réduite à leur nocivité pour les humains, ou à l’utilité qu’ils peuvent en tirer, comme l’explique à ID Dominique Pelletier, directrice de recherches à l’Ifremer, l’Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer. "La notion d'espèce nuisible et utile est généralement caduque car il s'agit d'une vision très anthropocentrée du vivant, nuisible et utile se définissant alors par rapport à l'espèce humaine. Toucher une méduse peut être très urticant en effet, mais les méduses sont bien inoffensives par ailleurs. Elles ont leur place dans l’écosystème".