Les aides accordées par la France aux pays en développement soutiennent majoritairement des projets d'agro-industrie.
©Valentin Valkov/Shutterstock
Environnement

Aides agricoles aux pays du Sud: la France accusée de privilégier l'agro-industrie à l'agro-écologie

Les aides publiques accordées par la France en matière agricole aux pays en développement soutiennent plus des projets d'agro-industrie que des actions liées à la transition agro-écologique, malgré les positions officielles défendues par Paris, dénonce un rapport d'expertise publié par trois ONG mardi.

Les données compilées par Action contre la Faim, CCFD Terre Solidaire, Oxfam France, et le cabinet d'analyse Le Basic portent sur 10 ans de financements, soit un peu plus de 9.500 projets portant sur quelque 6 milliards d'euros (hors participation de la France aux organismes multilatéraux du type FAO ou Fida, NDR), et montrent un résultat "consternant", voire "catastrophique" sur la politique publique de la France en matière d'agriculture dans les pays en développement, résume pour l'AFP Valentin Brochard, de CCFD Terre Solidaire.

Entre 2009 et 2018, "la courbe des investissements dans l'agro-industrie monte plus vite que celle de l'agro-écologie" dit-il, alors que la France "s'est engagée depuis la loi d'Avenir de 2014 et la stratégie annoncée en 2019 par le ministère des Affaires étrangères, sur une promotion de l'agro-écologie", dit-il.

"Double-discours"

Hormis les financements directs de l'Agence Française de Développement (AFD) majoritairement fléchés vers l'agro-écologie, l'aide de la France va de manière de plus en plus "explicite" vers "de grosses entreprises agroalimentaires françaises qui vont s'installer à l'étranger" ajoute M. Brochard, le rapport critiquant un "double-discours" de la France.

L'audit décortique plusieurs projets. Ainsi face à un engagement jugé vertueux de 225.000 euros au Sénégal en 2018 pour la valorisation de céréales locales, le rapport dénonce un soutien de 30 millions d'euros accordé la même année par une filiale de l'AFD, Proparco, au premier groupe d'engrais azoté du Nigeria, à visée exportatrice vers le Brésil et l'Amérique du Sud. Il dénonce des projets de serres chauffées en Arménie, ou encore une contribution de 7,6 millions d'euros accordée en 2013 par Proparco pour l'achat de l'industriel ghanéen FanMilk par Danone.

"FanMilk, pour confectionner ses yaourts et crèmes glacées, importe du lait en poudre dégraissé et ré-engraissé à l'huile de palme, en provenance d'Europe", et vendu "30% moins cher que le lait local". "Ce qui "compromet fortement" les chances de développement de la filière laitière locale, souligne le rapport. "Il n'est pas possible de soutenir en parallèle deux modèles agricoles qui sont aux antipodes l'un de l'autre et ne sont en aucun cas complémentaires" alors que "la faim augmente depuis cinq ans au niveau mondial", ajoutent les ONG.

"Vision binaire" des ONG

Dans une réponse écrite transmise à l'AFP, l'Agence Française de Développement (AFD) juge "très bienvenue" l'initiative des trois ONG. Mais l'agence réfute leur "vision binaire" et "caricaturale", selon laquelle "deux modèles extrêmes, antinomiques, s'opposeraient": "d'un côté un modèle agroécologique paysan localisé, faisant un recours minimum aux intrants de synthèse, et de l'autre, une agroindustrie ultra-capitalistique, polluante et mondialisée".

L'agence critique la méthodologie et le choix de mots-clés "parfois questionnable" qui ne rend pas compte "des transformations que les projets financés cherchent à accompagner". Pour "la nécessaire transformation des systèmes alimentaires", il faut travailler avec tous les acteurs, écrit Matthieu Le Grix, responsable adjoint de la division "agriculture, développement rural et biodiversité" de l'AFD: "agriculteurs familiaux, organisations paysannes, entreprises de production et de transformation agricole de différentes tailles".

L'Agence rappelle aussi que le mandat de sa filiale Proparco "est de financer le secteur privé". "On ne peut affirmer que les financements de Proparco bénéficient surtout à des filiales d'entreprises françaises", (...) "80% des financements dans le secteur agricole sont sur le continent africain, principalement au bénéfice d'entreprises africaines avec des actionnaires africains, et en moyenne, près de 30% des financements de Proparco bénéficient directement ou indirectement à des entreprises françaises tous secteurs confondus", affirme l'AFD.

Avec AFP. 

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