Image aérienne montrant un feu de forêt au Canada.
© AUDREY MARCOUX/Societe De Protection Des Forets/AFP
Solutions

Incendies, déforestation...que peut l’IA pour protéger les forêts ?

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En appui d’innovations déjà existantes, l’intelligence artificielle devient aujourd’hui un nouvel outil pour les acteurs forestiers. Comment s’en emparent-ils ? Et quelles sont les potentielles dérives ? ID fait le point. 

En 2024, l’Amazonie brésilienne a connu un nombre record d'incendies. Selon l’INPE (Institut national de recherche spatiale brésilien), 140 328 feux de forêt ont été recensés, soit une hausse de 42 % sur un an. En cause : les sécheresses qui sévissent dans la région depuis 2023, accentuées par le changement climatique et au phénomène El Nino, selon l’observatoire européen de surveillance du climat, Copernicus. 

Les méga-feux prolifèrent dans plusieurs autres régions du monde, à l’image de l’Australie, la Californie, et de nombreux pays européens, comme le Portugal, la Grèce et la France. Face à ce constat alarmant, l'intelligence artificielle apparait ainsi comme une solution prometteuse pour anticiper d'éventuels départs de feux. 

Renforcer des technologies existantes 

"Grâce à ses algorithmes performants et rapides, l’intelligence artificielle peut réaliser des modélisations de manière quasi instantanées", relève Daniel Vallauri, responsable de l’équipe Forêts au sein du WWF France, avant d’ajouter : "l’IA ne remplace pas pour autant d’autres technologies. Elle vient simplement renforcer certaines innovations existantes, à l’image de la bioacoustique ou les drones. Dans le cas des incendies, l’IA pourra par exemple affiner les données de drones pour suivre la probabilité de l’expansion des feux." 

Cette innovation peut aussi aider pour lutter contre la déforestation ou l’orpaillage illégal. "L’outil Forest Foresight développé par WWF-NL dans le bassin du Congo et en Indonésie, s’appuie sur la modélisation et l’IA pour identifier les points sensibles à la déforestation", met en évidence le WWF dans une note publiée en janvier dernier. Cette plateforme de surveillance environnementale permet de détecter les activités illégales en utilisant des données satellitaires couplées à l’IA. 

De multiples usages 

Au-delà de prévenir de potentielles menaces, l’intelligence artificielle peut également être employée pour surveiller l’état des forêts. L’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) y a notamment recours pour cartographier la typologie des forêts.  

Dans son atlas 2024 de "l’anthropocène à l’ère de l’intelligence artificielle", l’IGN donne à voir plusieurs cas concrets d’utilisation de l’IA. Parmi eux, le projet de l’entreprise Kanop permet de mesurer le stock de carbone contenu dans la biomasse végétale. 

"Kanop développe une plateforme SaaS alimentée par l’intelligence artificielle pour fournir des analyses de données précises et à grande échelle en s’appuyant sur l’imagerie satellitaire, le radar et la technologie LiDAR", précise l’IGN, avant d’ajouter : "Cette approche permet de mesurer et de certifier les services écosystémiques rendus par les forêts, en quantifiant notamment leur capacité à séquestrer le carbone atmosphérique."

Si ce nouvel outil offre de nombreux avantages pour la conservation et la préservation des forêts, il peut aussi engendrer des effets inverses.

Comme pour toute technologie, des dérives sont possibles. Des acteurs mal intentionnés pourraient par exemple s’en emparer pour intensifier leur exploitation forestière. L’IA pourrait les aider à planter différemment pour accroître leur production”, souligne le spécialiste du WWF.  

Quid d’une IA durable ? 

La question d’un usage raisonné s’impose donc comme un enjeu majeur, d’autant plus que les impacts de l'IA sont loin d’être neutres pour l’environnement. 

Au-delà de la consommation d’eau pour refroidir les centres de données, l’IA nécessite l’extraction de ressources naturelles, notamment pour la fabrication des équipements.

Les algorithmes d’IA, parfois très complexes, impliquent une puissance de calcul impressionnante ce qui va forcément accélérer l’usure des ordinateurs utilisés”, explique la journaliste Céline Patissier dans son livre Intelligence artificielle et environnement : alliance ou nuisance ?, paru en 2022. 

Le 11 février dernier, dans le cadre du Sommet mondial pour l’action sur l’IA, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher appelait ainsi à se demander "si l’IA sera une partie de la solution ou du problème" face au changement climatique...