En France, le bâtiment représente à lui seul 27 % des émissions de CO2.
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Et si la ville de demain était déjà là ?

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Dans le livre "Réparons la ville", co-écrit avec l’urbaniste Sylvain Grisot, Christine Leconte, présidente du Conseil national de l’Ordre des architectes, invite à repenser la manière de façonner les villes et les territoires, à l’aune de l’urgence climatique. “Arrêtons d’être accros au neuf, continuons à construire mais autrement”, plaide-t-elle. Interview. 

En France, le bâtiment représente à lui seul 27 % des émissions de CO2. Pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, de plus en plus d’acteurs appellent à privilégier la réhabilitation de l’existant plutôt que la construction neuve. C’est notamment ce que défend Christine Leconte, présidente du Conseil national de l’Ordre des architectes, dans son livre Réparons la ville, co-écrit avec Sylvain Grisot. Entretien. 

Christine Leconte, présidente du Conseil national de l’Ordre des architectes.
©Anne-Claire Héraud

À l’heure où la France s’est fixé l’objectif d’atteindre le "zéro artificialisation nette des sols", des voix s’élèvent pour mettre fin à l’étalement urbain. De quoi s’agit-il ? 

L’étalement urbain, c’est lorsque la ville ne se construit plus dans son enveloppe. Elle s'étend sur des terres qui ont un autre usage, comme des terrains agricoles. Aujourd'hui, l’avancée du tissu pavillonnaire, la construction d’infrastructures routières ou de centres commerciaux fabriquent de l’étalement urbain. 

Dans votre livre Réparons la ville, vous indiquez que tous les ans, entre 20 000 et 30 000 hectares de sols agricoles, naturels ou forestiers changent d’usage en France pour accueillir l’extension de nos espaces urbains, soit quatre à cinq stades de football toutes les heures. Quelles sont les conséquences pour l’environnement ? 

Le premier impact, c’est l’artificialisation des sols. On passe d’un sol avec de la biodiversité qui capte du carbone à un sol appauvri. Il y a aussi des problématiques liées à l’agriculture. On éloigne les terres des villes. En 1900, les terres agricoles autour de Paris permettaient de nourrir une grande partie de Paris. Aujourd’hui, lorsqu’on arrive à faire une baguette avec des blés de l’Essonne, on en parle partout dans la presse. L'artificialisation provoque également une imperméabilisation des sols qui favorise le risque d’inondation.  

Avec Sylvain Grisot, vous appelez à un changement de modèle de la fabrique de la ville, notamment en abandonnant “la monoculture automobile”. Qu’est-ce que cela signifie ? 

Nous avons pensé la plupart de nos espaces publics autour de la voiture. Dans l’étalement urbain, elle est nécessaire pour aller travailler, faire ses courses, accompagner les enfants à l’école. On voit toutefois les limites de ce modèle.

En plus de créer un manque de proximité entre les individus, la voiture prend beaucoup de places. Il faut aujourd’hui réinventer nos façons de se mouvoir en se tournant vers les mobilités douces."

Si ces mobilités sont porteuses de solutions, elles restent encore peu abordées. Dans les villes françaises, les financements pour les plans vélo ne sont par exemple pas assez conséquents.  

Vous expliquez que cette transition doit aussi passer par l’abandon de la construction neuve qui accélère “l’étalement urbain, mais aussi la consommation de matières premières et le volume de déchets...” 

Il faut transformer en priorité le bâti existant. 80 % de la ville de 2050 est déjà là. Cela ne signifie pas qu’il ne faut plus construire. Ce qu’il faut éviter, c’est le neuf qui viendrait démolir, prendre la place de terres agricoles et arables, ou encore densifier la ville à tel point qu’elle n’est plus vivable. Il y a un vrai équilibre à trouver.  

Comment reconsidérer l’existant ?  

Il faut se laisser porter par la magie des lieux. Cela peut prendre des formes variées. On peut le voir notamment à Paris avec des ouvrages comme le Cent-Quatre. Cet espace, qui était auparavant un abattoir puis des pompes funèbres, a été transformé en centre culturel. D’autres initiatives émergent. Certains réfléchissent à réhabiliter les parkings en silo pour en faire des logements. Que le patrimoine soit ordinaire ou extraordinaire, la réhabilitation est toujours une option. 

Observez-vous une prise de conscience de la part des professionnels du bâtiment et de l’aménagement du territoire pour faire mieux avec moins ? 

Selon un dernier sondage du Conseil national de l’Ordre des architectes, 87 % des architectes ont dirigé des opérations de rénovation en 2020. La plupart font la promotion de la rénovation comme alternative écologique à la démolition. Se pose toutefois cette problématique : comment les acteurs changent-ils de modèle ? La réhabilitation, ce n’est pas le même modèle économique que le neuf. Pour une grande partie de la promotion immobilière, il y a encore des difficultés pour appréhender cette réalité.  

Et de la part des élus ? 

C’est partagé. Par manque de connaissances ou d’accompagnement, certains élus pensent encore que la démolition est le bon vecteur pour changer la ville. D’autres ont compris qu’il fallait plutôt réparer que démolir.

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