Votée en 2021, la loi Climat et résilience fixe un objectif de zéro artificialisation nette des sols d’ici à 2050. Cet objectif ne vise pas à interdire complètement la construction de nouvelles infrastructures, mais oblige à "rendre à la nature" un espace désartificialisé à proportion égale de la surface nouvellement construite. Une première étape a été programmée pour 2031, date à laquelle l’artificialisation des sols devra être divisée par 2.
En France, ce sont entre 20 000 et 30 000 hectares qui sont artificialisés chaque année et 5 millions en tout depuis les années 80. Une augmentation nettement supérieure (+ 70 %) à celle de la population française (+ 19 %). Dans une étude publiée en 2019, France Stratégie l’explique par la réduction de la taille des ménages et la sous-exploitation du bâti existant. En 2015, l’Insee démontrait que 8 % du parc immobilier français était vacant, soit parce que ces logements ne trouvaient pas preneurs, soit parce qu’il s’agissait de résidences secondaires.
Autre raison expliquant l’artificialisation du territoire : l’étalement urbain. L'augmentation du prix du foncier en centre-ville, l’attrait pour l’habitat individuel ou la recherche d’un autre cadre de vie poussent les ménages à s’installer toujours plus en périphérie des villes. Cette dynamique entraîne la création de nouvelles infrastructures, pour le transport, les services publics ou les loisirs, alimentant elles aussi le processus d’artificialisation.
Des conséquences visibles
Les conséquences de l’artificialisation à outrance sont multiples et bien visibles. Depuis le 23 janvier, Rennes et le département d’Ille-et-Vilaine subissent de fortes inondations dues aux tempêtes Eowyn et Herminia. Un millier de personnes ont été évacuées de leur domicile au 30 janvier. Ces inondations sont le résultat de fortes crues et du ruissellement des eaux, les sols bétonnés ne pouvant pas les absorber. L’imperméabilisation des sols est la cause principale de nombreuses catastrophes en France et dans le monde. En octobre, 224 personnes ont perdu la vie dans les inondations qui ont touché le sud de l’Espagne.
[#Crues à #Rennes - mercredi 29 janvier 2025 13h] 🌧️ La météo pluvieuse de ce jour fait craindre des niveaux de crues supérieurs à ce qui a été observé le week-end dernier. Soyez vigilants, notamment sur le bassin de la Vilaine.
👉 Le pic est attendu jeudi 30/01 à la mi journée. pic.twitter.com/oXh7oHjwJI— Rennes Ville et Métropole (@metropolerennes) January 29, 2025
L’artificialisation des sols participe aussi au réchauffement climatique, en empêchant le phénomène naturel d’absorption des gaz à effet de serre par les sols. Cela crée également des îlots de chaleur en ville, puisque les rayonnements solaires ne sont pas absorbés par le béton, qui renvoie l’entièreté de leur énergie.
Enfin, la disparition des sols naturels entraîne aussi celle des écosystèmes qui y vivent. Ainsi, l’une des problématiques principales de l’artificialisation des sols est le mitage, c’est-à-dire la dispersion des habitats. Cette dispersion entraîne la disparition d’espaces naturels au-delà de la surface bétonnée à proprement parler. Pour les écosystèmes locaux, une surface de jardin privé ne présente pas les mêmes avantages qu’un espace naturel.
Une mesure qui fait débat
L’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) a entrainé depuis 2021 un certain nombre de frictions entre les élus locaux et le gouvernement. Une première loi d’assouplissement de la mesure a été mise en place en juillet 2023 pour répondre aux attentes des collectivités. Cette loi garantit notamment une surface minimale d’un hectare consommable par commune sur la période 2021-2031.
Pour aller plus loin : " La transition écologique Made in France”
Mais l’objectif de diviser par 2 l’artificialisation d’ici 2031 reste fortement critiqué. Michel Barnier, alors Premier ministre, réclamait une évolution "pragmatique et différenciée (...) pour répondre aux besoins essentiels de l’industrie et du logement". Ces arguments ont été repris par le Sénat qui souhaite voir l’objectif de 2031 repoussé ou diminué. Pour Guislain Cambier, sénateur centriste du Nord, la ZAN "entrave la capacité des territoires à se développer."
Un groupe de travail a été lancé en octobre par le Sénat, à la suite duquel il déposera potentiellement une proposition de loi visant à assouplir l’objectif de 2031. Quant au nouveau Premier ministre, il ne s’est pas encore exprimé sur le sujet.