"Marre du béton, envie d'être au vert", et puis un "rayon de soleil" sur les vignobles qui a fini de le convaincre: Antoine Bacha a eu le coup de coeur pour une propriété du Perréon, village de 1.500 habitants au coeur du Beaujolais, à moins d'une heure de Lyon.
Le genre de propriété "impossible" à acheter seul. L'ingénieur de 35 ans a été le premier à s'inscrire, en décembre 2021, pour participer à ce projet d'habitat groupé. Des logements individuels, avec des espaces communs et le partage d'une vie écologique et communautaire.
Deux anciens bâtiments, dont une école du 17e siècle, sont rénovés pour des appartements et une chaufferie collective. Trois maisons individuelles sont venues s'ajouter, et tous profitent d'un grand jardin et de ses deux sequoias. A Lyon, où il travaille, Antoine Bacha n'aurait pu s'offrir qu'un petit appartement. Ici, il a "acheté une prestation globale". "En vivant en collectif, on sait qu'on va mutualiser certaines charges", ajoute-t-il.
"Coût global"
Ce projet est chapeauté par l'association Cologi, un organisme qui donne vie à des projets d'habitat groupé, de la recherche de propriétés à l'accompagnement sur la gouvernance, en passant par la constitution du groupe. Pour son fondateur, Gilles Lambert, la formule "est un moyen de faire baisser le coût de revient du bâtiment".
Il regrette toutefois qu'on se "polarise" sur le prix d'achat, et encourage à "réfléchir sur le coût global": utilisation de matériaux durables et écologiques, mutualisation du matériel ou des déplacements. La création de lieux communs - salle de vie, buanderie, bibliothèque, chambre d'ami, ou encore potager - agrandit l'espace de vie à moindre coût.
"C'est un moyen d'accéder à un logement de qualité", estime aussi Michèle Tortonese, membre du collège d'Habicoop Auvergne-Rhône-Alpes, une structure qui promeut les coopératives d'habitants, autre forme d'habitat participatif.
La formule a séduit des municipalités désireuses de maitriser le foncier, y compris hors des grandes agglomérations. En France, le nombre de projets connaît une croissance de 20% chaque année depuis 2018, et un quart d'entre eux sont réalisés en partenariat avec des collectivités territoriales, selon le rapport 2023 de Habitat participatif France. La moitié est en ville, l'autre à la campagne.
"Aberration"
Estelle Arnaud est maire de Puy-Saint-André (Hautes-Alpes), un village de 470 habitants dans le Briançonnais, près des stations de ski. Ici, les logements sont de préférence loués à des touristes, à prix plus élevé. Un phénomène que "les communes n'ont pas vraiment les outils pour limiter", déplore-t-elle.
"L'habitat partagé, c'est une des réponses qu'on a trouvées", explique l'édile, qui a réservé un terrain communal à un projet d'habitat participatif.
"Si les gens qui travaillent ici sont obligés d'aller se loger à 20 kilomètres, là où les loyers sont accessibles, où ils peuvent construire, c'est une aberration", explique-t-elle. L'idée a aussi séduit la ville de Faverges-Seythenex (Haute-Savoie), au sud du lac d'Annecy, qui a mis à disposition d'un tel projet un terrain de la mairie, sous forme de bail emphytéotique ou de bail à construction.
Avec pour objectif de "maitriser les coûts", et "pour que des gens à revenus moyens puissent tout de même accéder à la propriété", explique Martine Beaumont, adjointe au maire. "On est un territoire sur lequel il y a une population vieillissante et on a du mal à stabiliser des jeunes sur notre territoire. L'idée c'est vraiment de les aider à acquérir un bien et à rester chez nous", souligne-t-elle.
Il n'en reste pas moins que l'habitat participatif séduit surtout par sa philosophie. Nicolas et Guillaume Antoine-Gaioni, 46 ans, derniers arrivés au Perréon, ont même déboursé un peu plus que pour leur projet originel de 'tiny house' ou d'habitat léger. "C'est plus cher que ce qu'on aurait voulu mettre", concède Nicolas. "C'est vraiment l'aspect solidaire qui nous a fait venir".
Avec AFP.
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