Les campements de fortune grandissent à proximité des portes d'accès à la capitale.
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Immigration : l'Armée du Salut retransmet le débat parlementaire dans son lieu d'accueil

"Est-ce que quelque chose va changer pour nous aujourd'hui ?": installés devant un grand écran retransmettant le débat sur l'immigration à l'Assemblée nationale, une dizaine de migrants, aidés par des bénévoles traducteurs, tentent de comprendre "les grandes lignes".    

A la télévision, le Premier ministre Edouard Philippe, Jean-Yves Le Drian (Affaires étrangères), Christophe Castaner (Intérieur) et Agnès Buzyn (Santé) se succèdent : "Pour l'instant, j'explique déjà qui est qui, le reste je n'arrive pas trop à suivre", décrit Abdullah, un jeune Afghan de 26 ans venu pour traduire à d'autres migrants le débat. 

La "forte augmentation" de la demande d'asile

Autour de lui, lors de cette retransmission organisée à Paris par la Fondation de l'Armée du Salut, plusieurs dizaine de migrants, souvent "inquiets", sont assis en cercle et écoutent "attentivement" le discours d'ouverture du Premier ministre de ce débat sur l'immigration voulu par Emmanuel Macron.

Un débat qui portera notamment sur la "forte augmentation" de la demande d'asile, portée à 123 625 personnes en 2018, a souligné Matignon. Parmi ces demandeurs, Albanais et Géorgiens, ressortissants de pays considérés comme "sûrs", figurent respectivement en deuxième et troisième positions, derrière les Afghans. Les causes de l'immigration sont nombreuses, aux raisons économiques, sociales et politiques s'ajoutent maintenant les effets du dérèglement climatique. Les migrants dits "climatiques", sont eux aussi présent dans les camps de fortune de porte de La Chapelle et porte d'Aubervillier. 

"Demande d'asile, je ne comprends que ça dans son discours", s'énerve Kamel, 24 ans, arrivé en 2016 du Soudan et maîtrisant parfaitement le français. "Je me force à écouter car j'ai peur qu'on m'interdise de nouvelles choses", s'inquiète-t-il, très vite rassuré par des bénévoles. Venu par hasard au centre, il est resté tout l'après-midi devant le débat, amusé par les discours "et le décor" de l'Hémicycle, et "comme ça je peux travailler mon français". C'est aussi en cela que se trouve l'objectif de cette retransmission du débat : découvrir et "inclure ces personnes qui sont les premières concernées" rapporte à ID Maxime Klethi de la Fondation de l'Armée du Salut. 

Pour que le débat n'ai pas lieu "dans leur dos"

"C'est difficile de traduire car il parle trop vite et pas comme j'ai appris", rigole quant à lui Abdullah, tout en tentant d'expliquer "les grandes lignes" du discours d'Edouard Philippe à ses voisins. Pour Marie Cougoureux de la Fondation de l'Armée du Salut, responsable de la Halte humanitaire, un lieu d'accueil de migrants Porte la Chapelle où elle avait organisé la retransmission, "le plus important c'est qu'ils sachent que des députés et des ministres débattent sur des sujets qui les concernent directement".

"C'était un test qui a plutôt bien fonctionné" d'après Maxime Klethi, d'autant que "ce n'est pas un public facile à regrouper" ne serait-ce que pour la diffusion de l'information. "Ce n'est pas facile pour eux de tout comprendre mais on trouvait important qu'ils soient là pour ne pas que le débat ait lieu dans leurs dos", insiste de son côté le porte-parole de la Fondation de l'Armée du salut, Samuel Coppens.

La halte de la Fondation de l'Armée du Salut accueille sans condition les personnes voulant disposer des sanitaires, de la buanderie ou simplement ceux qui souhaitent passer un moment. Elle est ouverte tous les jours de la semaine de 8h à 19h depuis la fin mai. Pour faire face à la population grandissante des camps de fortune de Porte de La Chapelle et Porte d'Aubervilliers, l'accueil à la halte est prolongée cet hiver.

C'est dans ces locaux que se tiennent les permanences médicales et administratives - avec l'appui d'associations partenaires et de France Terre d'Asile. L'objectif à terme, est de faire en sorte de développer et d'approfondir les services de la halte en axant sur les activités sociales via des cours de français par exemple. 

"C'est de ma vie dont il parle"

A côté, concentré, Diabi, arrivé il y un an de Côte d'Ivoire, se sent "très concerné" car "c'est de ma vie dont il parle", souligne-t-il, ne quittant pas l'écran des yeux. "Est ce que quelque chose va changer pour nous aujourd'hui ?", demande en afghan un migrant à Hussein, un bénévole de la Fondation arrivé de Kaboul il y a trois ans. "Non, ils débattent et peut-être qu'un jour ils décideront", lui rétorque-t-il en souriant.

Vivant dans le campement Porte de la Chapelle, de l'autre côté de la route, Hussein se demande : "Mais pourquoi ils ne parlent pas de nos tentes et de notre misère ?". "C'est une situation qui dure mais qui reste cependant une urgence" souligne Maxime Klethi à propos des campements en insistant sur le fait que les conditions de vie relèvent, selon lui, plutôt de la "survie". "Ca fait deux heures qu'ils débattent, et je n'ai rien entendu sur nos camps, c'est bizarre", regrette aussi Kamel.

Depuis plusieurs mois, Emmanuel Macron insiste sur le thème de l'immigration, persuadé que la présidentielle de 2022 se jouera sur les sujets régaliens et qu'il se retrouvera à nouveau face à Marine Le Pen. De leurs côtés, les associations "dénoncent l'instrumentalisation politique par le pouvoir exécutif des questions migratoires au détriment du respect des droits des personnes étrangères en France".

Avec AFP.

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