Loi Duplomb.
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Politique

Loi Duplomb : que peut-il désormais se passer ?

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Alors que le Conseil constitutionnel a censuré hier soir la réintroduction d’un pesticide interdit, quelles sont les suites possibles pour cette loi autant contestée par l’opinion publique que désirée par le monde agricole ? 

C’est une décision inattendue. Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi 8 août la réintroduction sous conditions de l’acétamipride. Pesticide de la famille des néonicotinoïdes, il est interdit en France depuis 2018, sauf exception.

Parmi toutes les mesures de la loi Duplomb, du nom du sénateur qui l’a fait adopter le 8 juillet par le Parlement, c’est celle qui a suscité le plus de contestations.  

Dans leur décision, les Sages, qui se sont exprimés par voie de communiqué, soutiennent que cette mesure est contraire au "cadre défini par sa jurisprudence, découlant de la Charte de l’environnement". Il est important de noter que cette charte de 2004 a valeur constitutionnelle

Cette charte affirme deux principes fondamentaux : le droit de chacun de "vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé" et que "toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l’environnement". 

Le Conseil constitutionnel a jugé que "faute d'encadrement suffisant", l’usage de l’acétamipride ne pourrait pas être autorisé

Des réactions immédiates

Le 8 août 2025, au lendemain de cette décision, les réactions se sont multipliées. Le sénateur Laurent Duplomb estime que "le Conseil constitutionnel ne ferme pas la porte" et pourrait travailler désormais à "un nouveau texte" pour réintroduire ce pesticide. 

De son côté, le groupe écologiste à l’Assemblée a exprimé son intention de déposer une nouvelle proposition de loi pour essayer d'obtenir "une abrogation totale de la loi". 

Le 11 juillet dernier, le Conseil constitutionnel avait été saisi par des députés de gauche qui y avaient déposé un recours pour tenter de censurer la loi. Le Conseil avait un mois pour se prononcer. Celui-ci a rendu sa réponse 4 jours avant la fin de ce délai. 

Des tensions persistantes

L’acétamipride est une substance nocive pour la santé et la biodiversité, en particulier les abeilles, expliquant ainsi son interdiction.

Or, elle est toujours utilisée dans le reste de l’Europe. Les deux premiers syndicats agricoles de France, la FNSEA et la Coordination rurale, réclament sa réintroduction depuis des années pour permettre aux producteurs de noisettes et de betteraves sucrières de protéger leurs cultures. Ces derniers affirment ne pas avoir d’autres moyens et dénoncent "une concurrence déloyale" avec les producteurs européens. 

En réponse à ces protestations, que certains agriculteurs ont mises en avant lors des manifestations à l’automne 2024, le sénateur LR Laurent Duplomb a proposé une loi visant à réintroduire de manière "encadrée" et "à titre dérogatoire" l’usage de cette famille de pesticides. 

Ce projet de loi a suscité énormément de débats et de tensions. Le 10 juillet dernier, une étudiante de 23 ans a ouvert une pétition sur le site officiel de l’Assemblée nationale contre la loi Duplomb. En une dizaine de jours, elle a recueilli plus de deux millions de signatures. Un phénomène inédit dans l’histoire politique française.  

À travers cette initiative, fortement relayée sur les réseaux sociaux, la pétitionnaire demande l'"abrogation immédiate" de la loi, "la révision démocratique des conditions dans lesquelles elle a été adoptée" et "la consultation citoyenne des acteurs de la santé, de l'agriculture, de l'écologie et du droit".

Du côté des défenseurs de la loi, les réactions ne se sont pas fait attendre. À l’appel de la Coordination rurale, des agriculteurs ont manifesté leur mécontentement face au succès de la pétition le 22 juillet 2025 en jetant des déchets devant les locaux du parti Les Écologistes à Toulouse, Limoges et dans les Deux-Sèvres. 

Quel avenir pour la loi ? 

Emmanuel Macron a déclaré avoir "pris note" de la décision du Conseil immédiatement après que celui-ci a rendu publique l’information. Le président de la République a ajouté qu’il promulguerait la loi Duplomb "dans les meilleurs délais". Il dispose désormais de quinze jours pour la promulguer, soit jusqu’au 22 août. 

Pour aller plus loin : La loi Duplomb en cinq dates

Pendant ce laps de temps, il peut exiger un nouvel examen du texte de loi, comme le prévoit la Constitution. Le Parlement ne pourra pas refuser de nouvelles délibérations. 

Comme évoqué, Laurent Duplomb, le sénateur à l’origine de cette loi, n’exclut pas la possibilité de réintroduire l’acétramipride à l’avenir. "J'attends la promulgation sans délai de cette loi avant de reprendre le travail législatif dès la rentrée, toujours dans cet objectif, désormais validé, de lever les contraintes qui pèsent sur l'agriculture et nos agriculteurs", a-t-il réagi auprès de France Télévisions.

Par ailleurs, seuls les articles portant sur l’acétamipride et sur la disposition d’amende contre les vignes en friche ont été refusés. Les autres propositions sont validées par le Conseil. Malgré les incertitudes, la loi Duplomb n’a pas fini de faire parler d’elle.