"L'acétamipride, ça tape très large: ça décime les populations d'abeilles, c'est bien connu maintenant et prouvé par de nombreuses études scientifiques, mais cela a aussi un effet délétère sur de nombreuses autres espèces: oiseaux, amphibiens, invertébrés, mammifères...", explique à l'AFP Jean-Marc Bonmatin, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), spécialiste des néonicotinoïdes.
En 2022, l'Anses, l'agence sanitaire, avait également évoqué dans un rapport la "forte toxicité de l'acétamipride pour les organismes aquatiques et terrestres".
La loi Duplomb, adoptée le 8 juillet au Parlement, réintroduit sans délai et sous conditions cet insecticide de la famille des néonicotinoïdes. Cette réautorisation de l'acétamipride, interdit en France mais autorisé en Europe jusqu'en 2033, était réclamée par les producteurs de betterave sucrière, pour lutter contre le puceron vert, et ceux de noisettes contre la punaise diabolique.
Une pétition lancée par une étudiante pour s'y opposer a récolté à l'heure où cet article est publié plus de 1,6 million de signatures sur le site de l'Assemblée nationale.
"Je ne connais pas un seul insecticide prévu pour tuer les ravageurs qui ne tue pas aussi les autres espèces, c'est inévitable", souligne M. Bonmatin.
En fait, explique ce chimiste toxicologue, cela "attaque le système nerveux central, cela crée comme une espèce de crampe généralisée".
Avec à la clé, pour les pollinisateurs comme les abeilles et les bourdons, des difficultés à s'orienter, à voler ou à butiner, menaçant leur survie.
Même si la quantité absorbée n'est pas létale, il y forcément un danger chronique pour ces insectes, montrent plusieurs recherches.
Une étude parue en avril dans la revue Environmental Science & Technology démontre qu'une abeille exposée, même à une très faible quantité, à un néonicotinoïde fait moins de déplacements par jour pour récolter du pollen, avec des effets mortifères pour l'ensemble de la colonie.
L'acétamipride, comme les autres néonicotinoïdes, provoque également des altérations dans la reproduction. Des traces de pesticides ont ainsi été retrouvées dans la rate de certains cervidés, affectant leur poids, leurs organes génitaux ou la survie de leurs faons.
Et si cet insecticide n'est "pas le pire - ce qui ne veut pas dire qu'il n'est pas toxique - pour les abeilles, il est parmi les plus toxiques pour les mammifères, dont nous faisons partie", souligne M. Bonmatin.
Le problème des substances comme l'acétamipride, c'est que "dès qu'on en met quelque part, ça va partout".
L'hypothèse, au moment de l'homologation de la substance dans les années 1990, était qu'elle ne remontait pas dans le pollen et le nectar, rappelle-t-il. Mais depuis il a été démontré que toute la plante était contaminée.
Il a également été établi que l'acétamipride voyage avec l'eau et que par ruissellement, on en retrouve dans l'ensemble du champs, dans les forêts et les prairies alentours ou dans les ruisseaux.
"Au Japon, une étude vient de démontrer qu'il pouvait littéralement pleuvoir des pesticides et notamment de l'acétamipride, qui n'est pas interdit là-bas", alerte M. Bonmatin.
En mars, une étude parue dans Communications Earth & Environment a démontré que l'épandage de cet insecticide pourtant en faible quantité avait conduit à une mortalité pouvant atteindre 92% chez trois espèces d'insectes des milieux limitrophes.
Avec AFP.