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Politique

La loi Duplomb en cinq dates

Avant que le Conseil constitutionnel ne rende jeudi sa décision sur la loi Duplomb, retour sur sa genèse et son parcours législatif mouvementé, alors qu'elle suscite l'opposition de nombreux Français en raison notamment de la réintroduction sous conditions d'un pesticide interdit.

2018: interdiction des néonicotinoïdes

Une loi est adoptée en 2016 sous la présidence de François Hollande, qui prévoit l'interdiction, à compter de septembre 2018, des pesticides de la famille des néonicotinoïdes, nocifs pour la biodiversité et notamment les abeilles.

En 2020, à la demande des betteraviers confrontés à des invasions de pucerons, une possibilité de dérogation temporaire est accordée à cette filière pour des semences enrobées de néonicotinoïdes. Elle suscite les protestations de certains défenseurs de l'environnement, mais est validée par le Conseil constitutionnel, qui la juge suffisamment encadrée. Plus aucune exception n'a cours aujourd'hui.

2024: manifestations agricoles 

Blocages de routes, permanences de députés visées, vastes cortèges... la loi Duplomb est aujourd'hui présentée comme l'une des réponses aux grandes manifestations agricoles de 2024. Durant l'hiver, puis à nouveau à l'automne, les agriculteurs ont exprimé leur colère face à des revenus insuffisants et une multiplication de crises. Ils protestent aussi contre l'accumulation de normes.

En novembre, une proposition de loi déposée par le sénateur et agriculteur Laurent Duplomb (Les Républicains) à la chambre haute entend lever ces "entraves" au métier d'agriculteur. Dans le viseur notamment: les restrictions à la construction de réserves d'eau pour l'irrigation, ou concernant les pesticides néonicotinoïdes.

L'un d'eux, l'acétamipride, est toujours autorisé ailleurs en Europe, arguent les filières des noisettes et des betteraves, qui pointent la concurrence de leurs voisins selon eux mieux armés contre les ravageurs.

Mai 2025: motion de rejet tactique à l'Assemblée

Après avoir été adoptée en première lecture fin janvier au Sénat, qui penche à droite, la proposition de loi arrive à l'Assemblée. La gauche, notamment Ecologistes et Insoumis, dépose des centaines d'amendements. Les défenseurs du texte dénoncent une "obstruction" et font voter une motion de rejet préalable dès son arrivée dans l'hémicycle.

Il est ainsi renvoyé directement devant une commission mixte paritaire: sept députés et sept sénateurs chargés de s'accorder à huis clos sur une version commune. La gauche dénonce un "49.3 déguisé" ayant empêché tout vrai débat à l'Assemblée.

8 juillet: adoption définitive

Fin juin, un accord est conclu en commission mixte paritaire. Le texte est adopté par le Sénat, puis par l'Assemblée le 8 juillet, avec les voix de la majorité de la coalition gouvernementale - malgré quelques défections - et de l'extrême droite. Ce scrutin marque son adoption définitive.

10 juillet: lancement d'une pétition

Une pétition est lancée par une étudiante sur le site de l'Assemblée nationale pour demander l'abrogation de la loi, dénoncée comme "une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire". Elle est abondamment relayée par des ONG, partis politiques et personnalités.

Jusqu'à dépasser les 2,1 millions de signatures, du jamais-vu sur le portail du Palais Bourbon. Elle ouvre la possibilité d'un débat à l'Assemblée nationale à la rentrée, si approuvé par son bureau. Ce débat ne permettra toutefois pas de revenir sur les dispositions adoptées.

Et après ? 

Le Conseil constitutionnel, saisi par des parlementaires de gauche, a la possibilité de censurer tout ou partie de la loi. S'il la valide, la gauche réclame qu'Emmanuel Macron demande une deuxième délibération au Parlement, comme permis par la Constitution.

Si le président refuse et promulgue la loi, les socialistes ont annoncé vouloir tenter de l'abroger par un nouveau texte législatif. Les décrets d'application pourraient eux aussi faire l'objet de recours devant la justice administrative.

Avec AFP.