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Les entreprises en font-elles assez pour limiter la pandémie de plastique ?

Compte tenu des signes montrant que la Covid-19 a entraîné une pandémie de plastiques à usage unique, Elly Irving, Responsable de l'Engagement chez Schroders, examine ce qui ce sera nécessaire pour inverser la tendance et si les entreprises en font assez.

Personne n'aurait pensé que le sigle EPI (désignant les équipements de protection individuelle) serait aussi largement utilisé en 2020. Les EPI ont fait la une des journaux ce printemps, en parallèle à l'accélération de la production et de l'importation de masques, gants et blouses.

Ceci dit, ce n’est pas seulement des plastiques directement associés à l’épidémie de Covid-19 dont nous devons nous soucier.

Selon un récent article publié dans The Economist, la consommation de plastiques à usage unique aurait augmenté de 250-300 % aux États-Unis depuis la crise de la Covid-19.

Antonis Mavropoulos de l'International Solid Waste Association (ISWA), qui représente des organismes de recyclage du monde entier, a déclaré que ce phénomène est en grande partie dû aux EPI. Les détaillants en ligne et les applications de livraison de repas ont signalé une hausse considérable du trafic et des ventes sur leurs sites. La quantité de plastique trouvée dans les flux de déchets à Athènes a augmenté de 150 %, et il a été suggéré que cette tendance soit mondiale.

Notre équipe d'investissement durable a rédigé en mai un article sur la façon dont les priorités fondamentales de la crise Covid-19 ont freiné les efforts déployés pour lutter contre la pollution plastique.

En plus de l'augmentation de la demande pour des raisons de santé et de sécurité, en particulier pour les emballages, l'équipe a observé que même les gouvernements subissaient des pressions pour assouplir les réglementations sur le plastique ou en retarder la mise en place. La lutte contre le plastique a été encore menacée par l’envolée des livraisons à domicile et la baisse des prix du pétrole qui rendent sa production moins coûteuse.

L’entreprise Wood Mackenzie, spécialisée dans l’intelligence de marché, avait déjà prédit que la demande d’« emballages flexibles » de la part des consommateurs augmenterait de 5 % en Europe cette année, et ce, malgré un recul en deçà de 1,5 % l’an dernier. Notre équipe d'investissement durable a conclu que : « Il est temps pour les entreprises de renouveler leurs engagements. »

Par ailleurs, la Conférence sur les océans 2020 de l'ONU, qui devait avoir lieu en juin dernier, a été reportée alors que le monde était aux prises avec le virus. L'objectif de développement durable 17 vise entre autres à prévenir et réduire considérablement la pollution marine de toutes sortes, en particulier celle qui relève des activités terrestres, d'ici à 2025. Cependant, l'ampleur de la pollution due au plastique signifie qu'une vision à bien plus long terme est nécessaire.

 

Qu’est-ce que le problème du plastique implique pour les investissements ?

L'équipe d'investissement durable de Schroders a pour objectif clé de réduire la pollution des matières plastiques en établissant avec les sociétés en portefeuille un dialogue actif sur les solutions au problème. Le problème du plastique ne constitue que l'un des domaines où les investisseurs actifs peuvent influencer le comportement des entreprises.

En 2018 et 2019, l’équipe a échangé avec plus de 100 entreprises par le biais de questionnaires, d’appels et de réunions pour comprendre les risques et les opportunités auxquels elles sont confrontées en lien avec le problème du plastique. Elle ne craint pas de remettre en question les chefs d’entreprise s’il leur faut réagir aux risques pesant sur l’avenir de leur entreprise (et donc sur les éventuelles performances obtenues pour les investisseurs).

Sur une période de 18 mois, nous avons assisté à la mise en place de 60 nouvelles réglementations dans le monde destinées à soutenir la transition vers l'abandon des plastiques évitables. Les régulateurs ont mis en œuvre des mesures allant des interdictions et des quotas à des taxes et dispositifs qui rendent le producteur, plutôt que le consommateur, responsable des déchets issus de ses produits.

La Chine a annoncé un panier de nouvelles mesures visant à réduire agressivement l’utilisation des plastiques

Le renforcement de la réglementation aura des conséquences pour les entreprises sur l’ensemble de la chaîne. La transition pourrait présenter une menace en raison de l’augmentation des coûts, surtout chez les produits de grande consommation. Les entreprises disposent par ailleurs d'opportunités de développer des solutions innovantes.

 

Quels sont les avantages pour les entreprises ?

Non seulement les préférences des consommateurs stimulent les changements des habitudes de consommation, mais les régulateurs ont également mis en œuvre des mesures allant des interdictions et des quotas à des taxes et dispositifs qui rendent le producteur, plutôt que le consommateur, responsable des déchets générés par ses produits.

Le « Green Deal » de l'UE annoncé en janvier est favorable à une législation qui garantirait que tous les emballages dont la réutilisation et le recyclage ne sont pas économiques soient interdits dans l'UE d'ici à 2030. Dans le même esprit, la Chine a annoncé un panier de nouvelles mesures visant à réduire agressivement l’utilisation des plastiques. Ces nouvelles restrictions constituent la réglementation la plus complète sur le plastique mise en place par ce pays depuis 2008.

Nous prévoyons un renforcement de la réglementation destinée à limiter la consommation de plastique et encourager le recyclage, avec des conséquences pour les entreprises sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Le fait de faciliter cette transition présentera diverses menaces et opportunités sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

Par exemple, le secteur des produits de grande consommation, comme les chaînes de supermarchés et les producteurs de produits alimentaires et de boissons, se trouve en première ligne de la lutte contre les plastiques à usage unique. Suite à notre engagement auprès de plus d’une centaine d’entreprises, nous avons constaté que nombre d'entre elles anticipent des risques baissiers sans précédent liés à l'accroissement de la réglementation.

Il est intéressant de noter que les sociétés basées en Asie ont cité la « convergence de l’opinion publique » comme leur principale inquiétude. Dans l'ensemble, le secteur est confronté à une hausse des coûts due à la nécessité de mettre en œuvre de nouveaux régimes de production et de réaligner les chaînes d’approvisionnement afin de réduire les plastiques à usage unique et d’accélérer le recyclage. Ce n’est pas une mince affaire étant donné que les emballages à usage unique représentent 59 % des déchets plastiques à l’échelle mondiale – la plus grande catégorie de production de plastique. L’incapacité à respecter la réglementation ou les objectifs publiés pourrait avoir un impact sur leur rentabilité et leur réputation.

En revanche, les opportunités de réduction des coûts et de différenciation des marques seront plus nombreuses si l'on passe à des formats plus durables.

Les entreprises en font-elles assez ?

Les Nations Unies ont déclaré que le monde n'est pas sur la bonne voie pour atteindre les objectifs de développement durable. Si un fort accent a été mis sur certains objectifs, il importe que le combat contre le plastique qui envahit nos océans ne soit pas abandonné. Des promesses d’action ont certes été faites avant que la Covid-19 ne frappe, mais les entreprises doivent plus que jamais renforcer la transparence, leurs ambitions et leurs actions. Le fait que l’industrie et les gouvernements risquent de réduire à néant les progrès réalisés suscite certaines craintes. Ce n'est pas le moment de faire preuve de complaisance.

Les grands investissements, innovations et programmes de transformation doivent commencer maintenant pour lutter contre les déchets plastiques et la pollution à la source, et espérer avoir un impact d’ici à 2025 et atteindre les objectifs gouvernementaux. Cela est particulièrement important, car nous pensons que la réglementation met de plus en plus l’accent sur la responsabilité des producteurs tout au long du cycle de vie d'un produit.

En tant qu’actionnaires actifs, nous devons continuer à dialoguer avec les entreprises pour les encourager à améliorer leurs pratiques.