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La nécessité d'une transition verte

La relance post-crise se doit d’être verte car cela répond à la nécessité climatique et est en ligne avec les attentes de l’opinion publique, mais elle est également un pendant important pour définir une politique industrielle et favoriser la résilience de nos économies.

L’impact de l’arrêt de l’activité économique est tel qu’on attend une baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) de près de 8% en 2020[1]. Une telle baisse serait un record. Les émissions de GES n’ont baissé qu’à 5 reprises depuis 1975 et dans des proportions plus contenues, autour de 1%1.

La baisse attendue des émissions de GES est à relativiser au regard des faibles marges dont nous disposons pour tenir l’Accord de Paris, ainsi que du risque d’un fort rebond lié aux plans de relance. Le parallèle avec la crise de 2008 est éclairant : après une baisse de 1%, les émissions de GES ont ensuite bondi de 6%1. Si l’on ajoute à cela la chute des prix du pétrole et le risque budgétaire qui pèse sur les Etats, la crise actuelle pourrait remettre aux calendes grecques les plans de décarbonisation.

 

Le parallèle avec 2008 s’arrête cependant là car trois principaux facteurs pourraient changer la face de cette relance : la prise de conscience écologique est bien plus aigüe au sein de la population ; cette crise remet au centre des débats les notions de résilience, d’indépendance et de décentralisation ; la palette des secteurs et technologies « verts » est bien plus large qu’en 2008, une bonne partie est déjà compétitive sans subventions et créatrice d’emplois locaux non délocalisables.

Les énergies renouvelables sont aujourd’hui compétitives sans subventions face au charbon et au gaz dans la plupart des pays. Le solaire notamment bénéficie d’économies d’échelle et d’innovations technologiques qui n’ont pas fini de faire baisser son coût. A titre d’exemple, aux Etats-Unis, les énergies renouvelables représentent 55%[2] des nouvelles additions de capacité, et ce malgré le faible coût du gaz ou le soutien affiché au charbon. Si le Texas était un pays, il serait le 5ème au niveau mondial en termes de capacité d’éolien installée !

 

La compétitivité de ces énergies ne doit cependant plus être le seul critère. L’indépendance industrielle commence par l’indépendance énergétique. L’Europe a su promouvoir des champions dans l’éolien. Il n’est pas trop tard pour avoir une industrie européenne du module photovoltaïque ou de la batterie. Pour cela, il faut une volonté politique, par exemple en valorisant le bilan carbone et les retombées économiques dans les appels d'offres.

 

Un Green Deal européen pour orienter la relance

Le Green Deal européen[3] donne un cap et de la visibilité à long terme sur la demande. Il vient aussi donner du crédit aux objectifs de décarbonisation à long terme et notamment l’objectif de neutralité carbone en 2050. Pour les entreprises exposées, cela doit s’exprimer par des attentes de croissance plus élevées et des multiples en accord avec la visibilité et la stabilité de ces résultats.

 

Pour les énergies renouvelables, le marché n’incorpore que partiellement l’accélération nécessaire pour tenir les objectifs de Paris. L’Agence Internationale de l’Energie prévoit que les nouvelles additions annuelles de solaire et d’éolien doivent passer de 200GW en 2019 à 350GW sur pour la prochaine décennie et à 500GW par la suite.

 

Une telle transformation du mix énergétique[4] impliquera également des investissements sur le réseau qui le supporte. Il faudra lier la production d’éolien offshore au nord de l’Allemagne, la production de solaire du sud de l’Italie et les pôles de consommation de la dorsale européenne.

Des secteurs moins matures comme les bio-carburants et l’hydrogène pourraient être soutenus par des politiques publiques, mais le souvenir du soutien du secteur solaire européen en 2008 rappelle la nécessité d’une compétitivité économique indépendamment des subventions publiques. Il sera toujours nécessaire de faire le tri entre espoirs, effets d’annonce et réelle compétitivité économique.

 

Cette pandémie nous a montré que les virus n'obéissent pas aux lois des frontières et que nous sommes tous biologiquement reliés par un réseau de germes microscopiques, que cela nous plaise ou non. Il en est de même pour le climat.

Le mot chinois pour désigner une "crise" se compose de deux caractères : danger () et opportunité (). Les crises ne remettent pas en cause le statu-quo, mais elles sont des accélérateurs de tendances. La transition verte avait déjà le vent en poupe, gageons que cette crise le fera souffler plus fort.

 

Par Marouane Bouchriha, gérant Actions internationales chez Edmond de Rothschild Asset Management

 


[1] Source : AIE (https://www.iea.org/reports/global-energy-review-2020).

[2] Source : Solar Energy Industries Association, 03/2020 (https://www.economist.com/united-states/2020/03/14/a-renewable-energy-boom-is-changing-the-politics-of-global-warming).

[3] Le Green Deal européen est un ensemble d'initiatives politiques proposées par la Commission européenne dans le but primordial de rendre l'Europe climatiquement neutre en 2050.

[4] Répartition des consommations par énergie.