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Whatever it takes

En quittant la Banque centrale européenne (BCE) à la fin du mois d’octobre 2019, tous les observateurs s’attendaient à voir Mario Draghi jouer un rôle politique proéminent en Italie. En ce sens, l’appel à la rescousse de « Super Mario » par le Président italien Sergio Mattarella était dans la logique des possibles.

Pourtant, le timing de ce recours peut amener à se poser des questions. En effet, l’Italie, grâce aux mesures prises notamment par la BCE, n’est pas en proie à une crise financière qui aurait nécessité l’appel à Mario Draghi pour calmer les marchés. De plus, ce dernier ne dispose pas de soutien provenant d’une majorité parlementaire, ce qui va l’obliger à rechercher l’appui de formations aux positionnements radicalement opposés.
Les investisseurs semblent en tout cas très enthousiastes face à cette recomposition politique. Ainsi, le FTSE MIB s’est envolé (+7,45%, à 23 180 points) quand le BTP à 10 ans, revenu à 0,54%, a vu son rendement baisser de 10 points de base (pbs) sur la même semaine. Dans le même temps, le Bund à 10 ans s’est apprécié de 8 pbs (à -0,47%), ce qui a conduit à une réduction de l’écart par rapport à l’Allemagne, revenu sous le seuil de 100 pbs. Il faut dire que le temps va commencer à presser puisque le pays doit soumettre à la Commission européenne d’ici fin avril un plan détaillé sur l’utilisation de l’aide.

Les 200 milliards d’aides feront du bien à la troisième économie, engluée dans une crise économique et sanitaire. En effet, la publication des comptes nationaux du quatrième trimestre a montré une performance très décevante de la Péninsule (-2,0%) quand l’activité dans le reste de la zone Euro, en dépit de mesures de confi- nement, ne s’est contractée que de 0,7%. Quand on sait que le contexte sanitaire ne s’est pas amélioré, un retour de la récession est malheureusement à craindre au premier trimestre en Italie et par extension en zone Euro. Même les Etats-Unis ont enregistré des signaux de ralentissement, avec notamment des déceptions dans les créations d’emplois, avec seulement 49 000 postes en janvier, et la révision à la baisse de 159 000 unités pour les chiffres de décembre.

Cependant, ces déceptions étant relatives à l’activité passée, les investisseurs ont préféré retenir le rebond des indicateurs avancés. L’indice ISM dans les services est ainsi ressorti en hausse en janvier (+1 point, à 58,7) pour le troisième mois consécutif, suggérant une amélioration à venir des perspectives économiques.
Les carnets de commande aux Etats-Unis se regarnissent à nouveau (+1,1% en décembre, après une hausse de 1,3% le mois précédent). D’où un bond des cours du pétrole (+9,08%, à 56,94, pour le WTI ; +7,81%, à 59,34, pour le Brent) en anticipation de nouvelles baisses de l’offre de l’Opep et d’un regain de forme de la demande.
Les investisseurs ont également apprécié le début d’examen du plan de 1 900 milliards de dollars proposé par Joe Biden. La nouveauté est venue du Sénat qui a opté pour la procédure de « réconciliation budgétaire » qui ne requiert qu’une majorité simple.

Sur la scène des changes, l’effet « Draghi » n’a pas tellement profité à l’euro (-0,8% sur la semaine, à 1,20413 dollar). En effet, même si Mario Draghi réussit à convaincre suffisamment de parlementaires pour le soutenir, les défis qui vont se poser à son gouvernement resteront élevés. Par ailleurs, le scénario de nouvelles élections anticipées n’est toujours pas exclu. Le dollar, malgré un contexte favorable à la prise de risques, a connu une appréciation contre la plupart des devises (+0,47% à 91,016 points), aidé sans doute par une situation vaccinale meilleure que dans les autres pays du G20. La livre aussi a gagné du terrain contre l’euro après que la Banque d’Angleterre ait écarté temporairement l’introduction de taux d’intérêt négatifs.

Karamo KABADirecteur de la recherche économique