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L’ESMA veut diminuer le greenwashing des gestionnaires de portefeuilles ISR

L’absence de standardisation claire de la définition d’un investissement durable, responsable ou vert ouvre la porte à des pratiques de greenwashing de la part des gestionnaires d’actifs, dont les investissements sont régulièrement présentés comme beaucoup plus verts que la réalité. Les investisseurs sont dans ce cas non seulement dupés mais le discrédit est également porté sur l’ensemble des fonds socialement responsables y compris les plus vertueux.

L’ESMA (Autorité européenne des marchés financiers) vient de lancer une bataille contre le greenwashing en s’attaquant à la dénomination des fonds de placement qui sont proposés au public, dans un rapport sur les lignes directrices de la dénomination ESG des fonds. L’ESMA considère en effet, que le nom d’un fonds est à la fois un premier élément d’information sur son contenu mais également un outil publicitaire important.

Dorénavant, l’utilisation de termes liés à la transition, au climat, à l’environnement, à l’ISR, à l’ESG, au social, à la gouvernance, à l’impact et à la durabilité dans le nom d’un fonds va entraîner le respect de règles strictes de contenu du portefeuille par les gestionnaires d’actifs. Pour se conformer aux termes des lignes directrices, 80  % a minima des investissements du portefeuille doivent contribuer à l’atteinte des objectifs environnementaux, sociaux ou d'investissement durable du fonds.

Les lignes directrices appliquent également des critères d’exclusion sur les armes controversées, le tabac, la violation des principes du pacte mondial des Nations-Unies, les seuils d’activité liés au charbon (1  % du CA), au pétrole (10 % du CA) et au gaz (50 % du CA) y compris pour les entreprises productrices d’électricité. La date d’application de ces règles pour les nouveaux fonds est fixée au 21 novembre 2024 et au 21 mai 2025 pour les fonds existants.

L’impact sur les fonds ESG devrait être significatif. Pour l’agence de notation Sustainable Fitch, 11 % de son portefeuille d’entreprises notées serait pris dans les mailles des règles d’exclusion de l’ESMA. De plus, les deux tiers des entreprises de production d’électricité et du secteur des utilities ne seront plus conformes aux nouvelles réglementations de l’ESMA. Ces entreprises contribuent cependant à nombre d’émissions d’obligations vertes avec 9  % du marché total de la dette durable.

D'autre part, Morningstar a dénombré plus de 1 600 fonds ESG détenant en portefeuille des entreprises comprises dans les exclusions de l’ESMA, soit près des deux tiers des fonds soumis à la règle des lignes directrices. Ces derniers vont donc d’ici le mois de mai prochain, soit vendre les entreprises exclues, soit ne plus faire référence à la durabilité en renommant leurs fonds.

Pour 30 % des fonds, l’impact sera considérable car ils détiennent des titres d’au moins cinq entreprises à exclure ce qui les contraindra à modifier leur stratégie en profondeur. Trois entreprises sont plus particulièrement dans le collimateur, TotalEnergie détenue par 356 fonds ESG, le spécialiste chinois des services numériques Tencent investi par 167 fonds, et Shell présent dans 144 fonds.

Morningstar escompte qu’une grande partie des fonds vont décider d’abandonner la référence à l’ESG et à la durabilité dans leur appellation ou d’en transformer une partie en fonds de transition pour lesquels les règles sont moins contraignantes.

Pour un acteur engagé de longue date dans l’ESG qui met toute son énergie à appliquer une méthodologie ISR aussi rigoureuse et pertinente que possible en s’efforçant de la parfaire tous les ans, cette réglementation est pour Ecofi, un soulagement. Fini les déclarations d’intention sans preuve, l’impact washing et les communiqués de presse aux accents de matamore, désormais la discipline a repris ses droits et l’on pourra rapidement faire le tri entre les acteurs qui opéreront à un discret repli en changeant le nom de leurs fonds verts et ceux comme qui Ecofi qui ne renieront pas leur orientation historique.

Ces nouvelles règles assez techniques constituent donc bien une première étape significative dans la lutte contre le greenwashing. La deuxième étape reposera sur la réforme des textes européens et notamment de la directive SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) pour parvenir à une définition précise des notions d’investissement durable et de transition climatique contrairement aux textes d’aujourd’hui. La future réglementation s’appuiera vraisemblablement beaucoup plus sur la taxonomie européenne (nomenclature des «  bons » secteurs d’activité) qui devra alors intégrer au-delà de l’environnement un aspect social.

Des travaux de réflexion vont être menées par la nouvelle commission européenne et ne devrait guère voir le jour avant 2026. Et peut-être qu’à cet horizon, grâce à une plus grande clarté et transparence du contenu des portefeuilles, les épargnants finaux éviteront plus facilement de se faire piéger par le greenwashing.

Contenu rédigé par François Lett, Directeur du département éthique et solidaire, ECOFI