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Soft landing, no landing, hard landing… Quésaco ?

Depuis le début de l’année, les participants de marché virevoltent d’une opinion à l’autre pour qualifier la trajectoire du couple croissance-inflation, au gré notamment de la parution des différentes statistiques.

Pour ce faire, il est coutume d’employer le champ lexical de l’aviation. On parle alors d’atterrissage en douceur (soft landing en anglais), d’atterrissage en catastrophe (hard landing), voire pas d’atterrissage du tout (no landing). Il n’existe toutefois pas de définitions universelles pour tous ces embranchements, d’autant qu’ils sont le plus souvent utilisés pour caractériser l’économie américaine. Nous proposons cette semaine notre propre lexique pour tenter d’y voir plus clair.

Soft landing

Une telle situation est précédée d’un épisode de resserrement monétaire visant à faire reculer l’inflation. Elle survient lorsqu’une banque centrale parvient à ralentir suffisamment (« juste ce qu’il faut ») l’économie, sans entraîner de récession. Pour les États-Unis, ce scénario est en apparence facilement identifiable, puisque les récessions sont datées et documentées par un comité dédié (le NBER*). Cependant, aucun consensus n’a émergé concernant la borne de fluctuation maximale pour l’inflation. Il est également délicat de spécifier si la récession est effectivement induite par les effets de la politique monétaire ou bien par des causes exogènes. Si les atterrissages en douceur sont si difficiles à définir, c’est peut-être parce qu’ils ont rarement eu lieu. Aux États-Unis, sur l’ensemble des cycles de resserrement monétaire, seule la période 1994-1995 semble correspondre aux critères. Alan Greenspan (président de la Fed à cette époque) avait réussi à ramener l’inflation dans le rang, sans récession, grâce notamment à des hausses de taux préventives et à sa technique dite de « fine tuning » (l’ancêtre de la désormais célèbre dépendance aux données). D’autres cas ont probablement été recensés hors des États-Unis, mais ces exemples sont habituellement moins ancrés dans la mémoire des investisseurs. Dans le contexte actuel, une définition acceptable serait d’observer une croissance économique positive (éventuellement très légèrement négative) couplée à une inflation en tendance autour de 2-2,5 %.

Hard landing

Il s’agit de l’opposé du scénario précédent, où l’inflation n’est vaincue qu’au prix d’une récession. Seulement, rien n’est dit quant à sa sévérité. Il est toutefois là aussi possible de se rattacher aux exemples historiques, comme celui des années 80 où Paul Volcker (président de la Fed) avait rehaussé les taux jusqu’à dompter l’inflation, dans le sillage d’une forte hausse du chômage. Nous proposons de définir l’atterrissage en catastrophe aux États-Unis comme une récession datée par le NBER, accompagnée d’une inflation proche de 2 %. Pour les autres pays, comme une récession marquée (baisse de l’activité sur plusieurs trimestres, augmentation du chômage…) et idem pour l’inflation.

No landing

Ce cas de figure est probablement celui sur lequel le consensus à le plus de mal à s’accorder. Selon nous, il correspond à une situation où l’inflation continue d’accélérer, de manière relativement diffuse, dans un contexte où l’économie croît au-delà de son potentiel.

Concrètement, aux alentours de 3-4 % en tendance pour l’inflation et au cas par cas pour la croissance, en fonction des zones.

Aux États-Unis, après avoir pronostiqué une situation de hard landing en 2023, le consensus a ensuite hésité plusieurs fois par mois entre soft landing et no landing (si tant est que l’on puisse s’accorder sur une définition commune), en fonction de la parution des statistiques économiques.

En zone Euro, l’activité a été décevante l’an dernier et la reprise amorcée en ce début d’année nous paraît encore relativement timide. L’inflation a en revanche sensiblement baissé. Dans d’autres parties du monde, l’inflation a emprunté un chemin plus ou moins similaire à celui de la zone Euro, mais au prix d’un taux de chômage qui augmente désormais en tendance, à l’instar de la Suède, du Canada, de la Nouvelle-Zélande et dans une moindre mesure du RoyaumeUni.

Cette dichotomie met en évidence la possibilité de l’enclenchement d’un cycle de détente monétaire asynchrone, où la situation américaine se situant entre le soft et le no landing permet à la Fed de décaler son calendrier, tandis que les situations hybrides mélangeant soft et hard landing justifient une action plus précoce et plus appuyée… Sujet que nous ne manquerons pas d’étudier plus en détail dans de prochaines publications…

Contenu rédigé par Florent Wabont, Économiste