Dans cet espace, la rédaction d’ID n’exerce pas de droit de regard sur les informations disponibles et ne saurait voir sa responsabilité engagée.
©Shutterstock/Andrey_Popov
Info partenaire

Remontée mécanique des prix

Il n’est pas certain que l’ancien président de la Buba, Karl Otto Pohl, dirait aujourd’hui que « l’inflation, c’est comme la pâte à dentifrice. Une fois qu’elle est sortie, il est impossible de l’y faire rentrer. »

Tout d’abord parce que le contexte a excessivement changé. En effet, même si nous nous attendons à une remontée mécanique des prix dans la zone Euro en 2021 (à 1,4% en moyenne) et en Allemagne (à 1,4%), nous nous situerons très loin des niveaux observés pendant la présidence de Monsieur Pohl (2,9% en moyenne en Allemagne sur la période 1980-1991). Ensuite, c’est la nature même de l’inflation qu’il convient de suivre de près. Ainsi, si les craintes d’accélération de l’inflation provoquent des remous sur les marchés obligataires, la situation ne nous semblent pas hors de contrôle. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder le dernier rapport sur l’inflation aux États-Unis.

L’analyse détaillée nous montre que la principale contribution à cette hausse des prix à la consommation (+0,4% en février, soit +1,7% sur une année) provient de la flambée de la composante énergétique (+3,9% en février) et plus précisément de l’essence (+6,4% en février). Le côté positif est la progression moins forte qu’attendu de l’inflation de base (+0,1% contre +0,2% estimé). Nous avons également constaté que les investisseurs, excités par les succès de la campagne de vaccination et la promulgation du plan Biden de 1 900 milliards de dollars, veulent croire que la page du Coronavirus va rapidement se tourner. Or, les contractions observées dans de nombreux secteurs (habillement : -0,7% ; marché des voitures d’occasion : -0,9% et produits médicaux : -0,7%) montrent que les séquelles de cette crise risquent de durer pour un certain nombre de secteurs.

Dans ces conditions, l’inflation devrait poursuivre sa remontée mécanique pendant encore quelques temps. La question qui va alors brûler toutes les lèvres avec insistance sera de savoir jusqu’à quand la Réserve fédérale (Fed) pourra maintenir les taux d’intérêt en dessous du niveau de l’inflation. De la réponse à cette question,
et du maintien des révisions bénéficiaires à la hausse, dépendra l’évolution des marchés actions. On a ainsi pu constater, au cours de la semaine écoulée, qu’en dépit de cette nouvelle flambée obligataire (+7 points de base, à 1,62% pour le T-Bond), les indices boursiers ont connu une très bonne semaine (+4,19% pour le Dow Jones), tirés à la hausse par les valeurs bancaires et cycliques. Même les valeurs technologiques, qui souffraient récemment de la remontée des taux longs, ont repris des couleurs (+2,13%, à 12 938 points pour le Nasdaq 100) dans un contexte de forte baisse de l’aversion pour le risque (-3,97%, à 20,69% pour le VIX). On doit cette très bonne orientation des marchés risqués, notamment en Europe (+4,92%, à 3 850 points pour l’EuroStoxx 50 et +4,95% pour le CAC 40, à 6 069 points), en partie aux banquiers centraux qui ont continué d’adopter leur ton rassurant.

Ainsi, comme la plupart de ses principales consœurs, la Banque centrale européenne (BCE) n’a pas modifié son discours en dépit de la présentation d’un scénario de croissance (+4% en 2021) et d’inflation (+1,5% en 2021 et +1,4% en 2022) plus favorable. Et même si cette unanimité des banques centrales venait à voler en éclats, la BCE serait toutefois parmi les dernières à durcir la gestion de sa politique monétaire. En effet, le retour des mesures de confinement en Italie, la troisième économie de la zone Euro, devrait l’inciter à davantage de prudence. Mieux, elle a annoncé qu’elle allait augmenter de façon substantielle jusqu’à juin ses rachats de titres avec une enveloppe restante du PEPP d’environ 1 000 milliards d’euros pour calmer l’envolée des rendements obligataires.

En écho à cette promesse de la BCE, dont les achats de dettes ont avoisiné les 60 milliards en moyenne en 2021, l’Italie a enregistré une nouvelle surperformance (-14 points de base - pbs - à 0,63% pour le taux à 10 ans), en plus des effets récessifs du confinement des 2/3 de la Péninsule. Cela a facilité également l’écroulement des rendements en Grèce (-14 pbs, à 0,83%), au Portugal (-9 pbs, à 0,20%) et en Espagne (-7 pbs, à 0,33%). Dans ces conditions, le rebond de l’euro (+0,36% sur la semaine, à 1,195 dollar) ressemble à une surprise.

Karamo KABADirecteur de la recherche économique